4ème Journée du Réseau Douleur de lOuest
Réseau
Douleur de lOuest ~ REDO
Association Loi 1901
Siège social : Docteur Julien NIZARD
Centre dEvaluation et de Traitement de la Douleur
Service
de Neurochirurgie
CHU Nord 44093 NANTES Cedex
Vendredi 18 octobre 2002
Salle de Conférence - CHU Nord NANTES
Organisateur
du colloque :
LE RESEAU DOULEUR DE LOUEST
Sommaire :
Matin
Actualités du Réseau
Douleur
Actualités régionales du
Réseau
Dr Nizard et le bureau du REDO Nantes
Actualités
Nationales du Collège National des Médecins de la Douleur (C.N.M.D.)
Dr
Bensignor Nantes
Actualités des
Comités de Lutte contre la Douleur (C.L.U.D.)
Dr Rioult La
Roche-sur-Yon
Il n'y a pas de compte-rendu pour les différents points techniques
développés le matin, l'AMDCF n'ayant été conviée que l'après-midi.
Prise en Charge Pluridisciplinaire des Patients
Fibromyalgiques
(Chaque intervention dure 10 minutes, suivie de 5 minutes de discussion)
(Pour accéder aux diverses interventions, cliquez sur les flèches)
Les patients
fibromyalgiques : quelle prise en charge et quelles difficultés pour les
soignants ?
Madame Marie-Pierre Bizet, Cadre Infirmier C.E.T.D. CHU de
Nantes
Prise en charge pluridisciplinaire des patients fibromyalgiques
*************************
1.
Les patients fibromyalgiques ; Quelle prise en charge et quelles
difficultés pour les soignants ?
Mme Marie-Pierre BIZET, Cadre infirmier, Centre dEvaluation et de
Traitement de la Douleur C.H.U. de Nantes.
Je vais vous exposer la manière dont nous prenons en charge les patients fibromyalgiques qui représentent un nombre non négligeable des patients que nous recevons au centre de la douleur. La fibromyalgie est un syndrome mal connu des soignants. Pour la plupart, nous nen avons pas entendu parler pendant nos études et on a appris à connaître cette maladie, ce syndrome nous expliquera M. Nizard, au contact des patients dans le cadre du centre de la douleur. On a été un petit peu surpris par cette maladie qui ne doit son diagnostic quà lexamen clinique ; pas de signe biologique, radiologique, pas dexamen complémentaire ; tout repose sur la clinique.
Situation pas très habituelle pour les soignants. Donc nous nous sommes formés, ensemble, au contact de léquipe pluridisciplinaire, puis nous avons essayé de mettre en place une stratégie de soins que je vais vous exposer.
Pour nous, le premier contact est primordial : cest lui qui va impliquer toute la suite de la prise en charge. On va permettre lexpression de la douleur. Cest une douleur multiple, diffuse, le patient a mal partout et on ne lui trouve rien. Le diagnostic de fibromyalgie a été posé. Notre rôle va être dobserver et de laisser le patient sexprimer sur le vécu de cette douleur. On sait quun fibromyalgique a un grand besoin dattention et de reconnaissance. Pendant des années on na pas mis de nom sur ses problèmes de santé. Il y a là une attitude de non-jugement qui est essentielle et une bienveillance que je qualifierai dauthentique. Cela va permettre au patient de sapercevoir que lexpression de sa souffrance est possible et que le soignant croit en la réalité de cette douleur. Pas toujours facile, on est souvent remis en cause nous-mêmes mais cest, en tous cas, ce quon tente de faire.
Avec lécoute et lobservation vient lévaluation de la douleur. On se centre sur 2 ou 3 points : on va évaluer les points les plus douloureux ou les plus invalidants mais pas tous les points. Ceux qui perturbent le plus la vie du patient.
On va aussi évaluer : la fatigue, cest un des signes les plus importants dans la fibromyalgie ; les performances physiques, le sommeil qui est pratiquement toujours perturbé et toutes les répercussions psy sur lhumeur, etc
Le patient doit trouver dans cette étape la reconnaissance de son problème. Mettre un nom sur la maladie est rassurant : on sait ce quon a, ça amène un soulagement, ça permet dêtre reconnu. La reconnaissance est essentielle mais elle doit être dépassée pour que le patient ne sinstalle pas dans un processus qui paraîtrait définitif ; il sinstallerait dans la maladie chronique, notre objectif va être tout autre. Avoir un projet « personnel » au patient. Cest la première étape.
Il faut du temps, différent dun malade à lautre, qui peut précéder lhospitalisation elle-même.
La deuxième étape : cest la détermination des objectifs que lon va suivre avec le patient, travailler avec lui pour quil intègre que le syndrome dont il est atteint nest pas une condamnation : on va pouvoir agir. Le processus dans lequel il est impliqué peut être inversé. Travail patient qui doit permettre de modifier les croyances de la personne face à sa maladie et qui demande un accompagnement, sans vouloir aller trop vite car cest important daller au rythme du patient.
Les conseils de repos dont lentourage se fait le relais, conseils souvent entendus par le patient, seront différents et feront place à une stratégie de re-dynamisation et damélioration des performances physiques. Ceci afin de reprendre des activités de la vie courante qui ont été abandonnées, des loisirs et, pourquoi pas, professionnelles quand cest possible. Discours nouveau pour le patient qui va devoir changer son attitude sur la douleur et adopter une stratégie différente.
Il doit intégrer qualler mieux nest pas seulement avoir moins mal ; cest aussi améliorer sa mobilité, sa qualité de vie. Objectifs concrets choisis par le patient : il faut parfois le guider pour quil puisse élaborer des objectifs à ses goûts selon ses envies, ses habitudes, selon ses besoins quotidiens. Cest une fois ces objectifs déterminés que lon va passer à la troisième étape.
La mise en uvre des évaluations et des objectifs : cest toute léquipe pluridisciplinaire qui va se mobiliser autour de ces objectifs pour permettre au patient un ré-entraînement à leffort, progressif, à son rythme, un soutien psychologique du patient et du conjoint dont la place est essentielle pour aller dans le même sens, en faire un allier, un partenaire de soins.
Relaxation, hypnose, conseils dhygiène de vie, réflexion sur les facteurs de stress, comment les gérer, pistes à travailler avec le patient en fonction de la connaissance quon peut avoir de celui-ci.
Puis, vient la mise en place des traitements médicamenteux ou non médicamenteux.
En résumé, le but est de permettre au patient fibromyalgique de comprendre son problème de santé, comprendre ce syndrome, avoir une attitude active face à lui, pour un projet, dadhérer à la stratégie quon lui propose pour enfin retrouver une qualité de vie. Voilà la stratégie de soin.
Lecture dun courrier dune patiente, un paragraphe :
« Jai eu le sentiment, au cours de ce séjour, que cette stratégie ressemblait à un puzzle dont il fallait assembler des morceaux trop nombreux. Même si, parfois, le sentiment de solitude se fait lourd au cours du séjour, le temps pris pour cette hospitalisation nous amène à ne pas subir le traitement. On se retrouve dans un service où la douleur nest pas niée, le droit davoir mal vous est reconnu. Contribuer à la réussite de la diminution de la douleur nécessite une participation active passant par une réflexion sur soi et un programme dobjectifs réalisables. Léquipe réalise un accompagnement et vous nêtes pas seul face à la douleur, il faut cependant admettre quil faut adhérer à un protocole basé sur la confiance et le temps. »
Questions de la salle :
- Et après lhospitalisation ?
On donne au patient des pistes pour quil poursuive ce quil a entrepris, sil a bien adhéré, des techniques dhypnose, de musicothérapie, sont poursuivies après.
Le
but nest pas de créer une dépendance, le patient doit se prendre en charge, il
doit trouver les ressources à lextérieur.
- Temps passé au centre ?
2 fois 5 jours.
Tous les partenaires de soins de ville sont informés de ce qui sest passé pendant lhospitalisation et prennent le relais pour la poursuite des traitements
- Nombre de fibromyalgiques suivis ?
2 ou trois par quinzaine sur 7 lits.
- La raison dautant de malades?
Peut être que cest une maladie mieux connue.
Docteur Nizard : De 15 % il y a 4 ans à 30 % aujourdhui. On a un biais de recrutement car on soccupe de patients qui ont des douleurs chroniques rebelles. Les patients qui ont des douleurs aiguës vont davantage dans les cliniques qui sont des structures plus souples. Cest une des réflexions avec nos collègues du privé ; cest de trouver la bonne structure, au bon moment, pour le bon patient. Il y a des fibromyalgiques avec des handicaps très variables ; on en hospitalise quasiment la moitié.
- Hommes ou Femmes ?
9 F pour 1 H.
- Quel est lapport de la reconnaissance du diagnostic ?
Une fois le terme de fibromyalgie posé, cela permet de ne plus porter toute son énergie sur la recherche du diagnostic mais sur la mise en place dun projet.
- Un médecin des Côtes dArmor : « Dans les Côtes dArmor on a une association très vigoureuse, qui organise des congrès, mais on a du mal à mettre en parallèle ce quon leur a dit dans leur association et ce que nous pensons. On a beaucoup de difficultés à avoir une démarche qui soit cohérente entre ceci et cela. »
Mme Bizet : Nous avons des associations de fibromyalgiques dans la salle et on pourra en discuter.
M. R. Godet, Président de lAMDCF : Les associations de fibromyalgiques ont une importance pour regrouper les personnes. Par ailleurs, il ne faut pas quil y ait un esprit hégémonique à légard des médecins et de lensemble du corps médical, ça cest très important. Que lon doit travailler en partenariat, cest encore une règle qui fait force de loi dans notre association. Proposer des activités aux malades lorsquils sont sortis du milieu médical et de cette prise en charge hospitalière. Il est important quil y ait aussi quelque chose de ludique dans leur comportement. Je crois que cest absolument essentiel pour quil y ait un plaisir de vivre avec sa douleur finalement. Cest aux associations de le faire ; je pense quil nest pas question de lexiger de la part du milieu médical ni paramédical. Chacun a un rôle mais qui doit être complémentaire, ne nous prenons pas pour ce que nous ne sommes pas, nous ne sommes pas des soignants. Cest pratiquement ce que nous, AMDCF, voudrions faire passer comme message auprès de toutes associations. Les congrès cest bien, mais point.
- Y a-t-il des ré-hospitalisations ?
Dr Nizard : Lorsquune ré-hospitalisation est proposée, elle est souvent plus courte et elle permet de préciser un certain nombre de points qui ont pu ne pas être abordés ou pas bien compris lors de la première hospitalisation. Cest quelque chose quon aborde très souvent avec les médecins de rééducation, on peut être amené à reprendre une prise en charge ré-éducative pour travailler dautres aspects, parce que, lors de la première prise en charge, les gens ne connaissent pas la structure, le personnel ; cest compliqué et il y a beaucoup de chose à ingurgiter au point de vue médicament, psychologique ou de la réinsertion. On a constaté que de les reprendre quelques mois plus tard ça peut être utile, mais je crois quil ny a pas de règle.
Je reviens sur la question du diagnostic. A partir du moment où on a posé un diagnostic, on peut essayer de prendre du champ, prendre de la liberté par rapport à ça, être aidé aussi bien par les soignants que par les associations tout en ne consacrant pas lessentiel de sa vie à la maladie et aux activités autour de la maladie. Est-ce qu' on ne peut pas faire des choses avec des associations de musique, sportive..., autre chose de la vie en dehors de la maladie comme on le ferait avec quelquun qui aurait nimporte quelle maladie.
- Quel est le pourcentage de reprise dactivités professionnelles?
Dr Nizard : Cela dépend de la durée darrêt de travail initial, des circonstances de survenues. Les critères, dont on sait quils peuvent allonger la durée et la difficulté de réinsertion, cest le contentieux, et cest parfaitement valable pour les lombalgiques. Laccident de travail initial, la durée darrêt de travail initial conditionnent fortement les possibilités de reprise.
Les chiffres proposés par la CNAM sont les mêmes que ceux des américains ou des canadiens Pour les lombalgiques, si on arrête plus dun an, on a à peine 20 % de chance dune reprise dactivité ; plus de 2 ans, cest 10 %. Les chiffres qui sont disponibles le sont plus pour les lombalgiques. On a fait une étude, lannée dernière, sur des gens qui avaient en moyenne treize mois darrêt de travail ; on avait autour de 50 % de réinsertion en un an. Mais tout dépend du groupe, sil est peu ou très invalidé. Si on prend des gens qui ont une durée darrêt de travail très longue avant la prise en charge, vous avez des chances de succès beaucoup plus faibles. Doù limportance extrême de travailler avec des médecins du travail et des médecins conseils et, rapidement, poser la question de la reprise et dans quelles conditions.
2. Aspects pharmacologiques des analgésiques, co-analgésiques et
kétamine :
Pour nous la fibromyalgie nest pas si nouvelle car les pharmacologues travaillent sur la douleur et nous nous intéressons beaucoup aux récepteurs.
La fibromyalgie est liée à des anomalies sur le système de transmissions de la douleur.
Les questions qui se posent sont sur les syndromes associés : sont-ils la cause de la douleur ou sont-ils la conséquence de cette douleur ?
On assiste souvent à des escalades thérapeutiques, des associations médicamenteuses qui peuvent quelquefois devenir dangereuses et on peut se poser la question du risque des effets indésirables. Il y a quelques parutions qui font état de laugmentation de ces effets chez le patient fibromyalgique.
Un certain nombre de récepteurs ont été identifiés au niveau des systèmes de transmissions de la douleur et, qui dit récepteur dit point dimpact pour les médicaments.
On aperçoit, au niveau de la corne dorsale de la moelle, une fibre afférente, donc un neurone, qui vient de la périphérie et un neurone convergent (neurone qui monte). Il y a, à ce niveau, énormément de récepteurs, ce sont à la fois des récepteurs aux opiacés comme le récepteur µ, des récepteurs à la sérotonine comme le récepteur 5HT, au gaba ce sont plutôt des récepteurs à la benzodiazépine, et des récepteurs à ladrénaline, noradrénaline. Le neurone sécrète un certain nombre de substances comme la glutamine (les glutamates) qui vont agir sur des récepteurs qui nous intéressent au premier chef actuellement. Cest le récepteur NméthylDaspartane qui nous intéressera tout particulièrement et les récepteurs NK1 puisque ce sont ceux qui récupèrent la substance P qui est une substance Pain donc une substance de la douleur.
Les médicaments :
Le Paracétamol, les AINS, des associations avec des codéïnés, dérivés de premier palier :
- Les AINS à réserver aux douleurs inflammatoires.
- Le paracétamol : son mode daction pose problème, on parle beaucoup du NO comme mode daction intermédiaire. Le problème est essentiellement lautomédication : vous savez que beaucoup de ces médicaments sont en vente libre et on peut se retrouver avec des doses énormes et un risque hépatique qui nest pas négligeable, par exemple.
- Les corticoïdes ne sont pas utiles et on sest aperçu quun certain nombre de patients avaient déjà beaucoup de cortisol.
- Les analgésiques opiacés :
Ils sont utilisés également puisquils agissent sur les récepteurs µ delta, capa. Le facteur NMDA est aussi pris en compte.
Des réticences : ce sont des stupéfiants avec tout ce que ça comporte de problème de prescription, dispensation ; des patients qui ont du mal à les avoir.
Des effets indésirables, la constipation au premier chef. La question qui se pose est : « Est-ce que je ne vais pas rendre mon patient dépendant, est-ce que je ne vais pas rendre mon patient addicte ? » En pharmaco on fait la différence entre laddiction et la dépendance. La dépendance est que, lorsque vous arrêtez, vous avez un syndrome de sevrage. Dans laddiction : le malade va essayer den récupérer et va en redemander.
Le sevrage peut être aisément géré mais laddiction cest un peu plus difficile. Des publications disent que chez le patient douloureux, pas obligatoirement fibromyalgique, il y a moins de 1 % de patients qui deviennent addictes.
Autres problèmes, ce sont les effets mnésiques de ces produits et surtout la nouvelle loi sur la conduite automobile.
- Le Tramadol, le topalgic et ses génériques : ce médicament a un certain potentiel daction sur les récepteurs aux opiacés surtout par son métabolite principal, mais cest essentiellement un médicament qui agit sur le recaptage des amines. Il inhibe le recaptage des amines par certains neurones, donc il augmente la quantité de transmetteurs au niveau de la synapse. Il agit un peu comme certains antidépresseurs. Il peut être très efficace, mais il a un métabolisme complexe qui fait intervenir lusine à médicaments du foie, le système des cytochromes, et on nest pas à labri dinteractions médicamenteuses par exemple avec les AVK.
Il faut se méfier un petit peu chez certains patients.
- Les antidépresseurs : Il y a eu des essais cliniques dans plein de douleurs dont la fibromyalgie.
Les plus efficaces sont les imipraminiques, vous savez quun seul à lAMM en France cest le Laroxyl, les autres non. Ils se valent dans les essais. Laction sur les signes dépressifs est meilleure que laction sur la douleur. Laction sur la douleur sépuise et on peut trouver ces médicaments en association à dautres thérapeutiques.
- Les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine sont trop sélectifs pour avoir une efficacité puisquils ciblent un seul type de transmetteurs. Plus intéressant sont les non sélectifs.
- Les IMAO ont été essayés mais il faut faire attention avec ces produits là.
Pour les perspectives davenirs ce sont les médicaments qui agiraient sur les récepteurs 5HT3. On les connaît dans la prise en charge des vomissements. Ils sont assez prometteurs avec des petites doses : 5mg pour le Tropicetron pendant une dizaine de jours ; il y a à peu près 40 % de personnes qui répondent positivement à ce traitement ; il est utile et intéressant, sans trop deffets indésirables pendant ces dix jours. Leffet peut se prolonger 3 semaines à peu près. A un mois de traitement on saperçoit que près de 60 % de personnes vont répondre correctement avec au moins une diminution dau moins 30 % de leur douleur ; mais 63 % de ces personnes ont coché la case effets indésirables : céphalées, constipation.
- Autres types de médicaments :
Les antagonistes des récepteurs NK1 qui vont bloquer la possibilité daction de la substance P. Ces produits sont à létude : il y a plusieurs molécules qui sont étudiées mais il ny en a pas qui le sont dans le traitement de la fibromyalgie.
Il faut savoir que pour faire des études de ce type il faut des groupes de patients et des groupes témoins, ça demande beaucoup de recrutement pour un industriel pour poser une AMM, cest un peu compliqué.
- Les anti-épileptiques :
Usage qui dépend de leur action sur de nombreux récepteurs, mais tous ces produits sont au moins inducteurs des cytochromes en particulier celui par lequel passent de nombreux médicaments, et toute association peut poser problème de surdosage voire de sous dosage de produit qui rend ces antiépileptiques pas intéressants.
- La Kétamine :
Anesthésique des années 60 à 70. Mais les gens hallucinaient et il a un effet stimulant sur le muscle cardiaque.
On peut la donner par nimporte quelle voie, en sachant que la voie orale nest pas la voie habituelle ; on a beaucoup de perte, seul un tiers du produit est alors efficace. Là encore il passe par les cytochromes et il peut y avoir des interactions médicamenteuses.
Le récepteur NMDA est bloqué par la kétamine dune façon très intéressante.
Les opiacés pourraient avoir un effet booster de laction de la kétamine.
Les études nont pas permis à la kétamine davoir une AMM bien claire, en particulier dans le domaine de la fibromyalgie.
Conclusion : la pharmacologie commence à avoir une meilleure connaissance de la pathologie donc des cibles possibles et donc une meilleure connaissance des mécanismes daction des médicaments.
Questions :
- Effet du cannabis sur la fibromyalgie et les effets placebo ?
Il y a toujours un effet placebo
Le
cannabis nest toujours pas un médicament mais il agit sur les récepteurs, pas de
publication sur le sujet en pharmaco.
3. Principales pistes physiopathologiques :
Dr Julien Nizard, Rhumatologue Algologue
Centre dEvaluation et de Traitement de la Douleur C.H.U. de Nantes
15 % des consultations douleur et de rhumatologie dans les publications ; 2% de la population en générale toutes ethnies confondues : il y a des fibromyalgies chez les Esquimaux, chez les noirs dAfrique de lEst, il y en a partout. Essentiellement féminine, 8 à 9 femmes pour 10. Atteinte du sujet âgé exceptionnelle ; il est vrai quil y a très peu de publication, à ma connaissance, chez le sujet âgé. A la consultation douleur et sujet âgé quon anime, on n'a jamais vu un fibromyalgique primitif encore douloureux pour ce seul motif, on voit encore un certain nombre de fibromyalgies secondaires, cest à dire avec des cervicalgies et des lombalgies qui ensuite se dégradent.
La composante familiale est intéressante, on pense quelle est plus familiale que génétique. On pense au caractère rebelle qui explique la quête médicale assez souvent constatée, les conséquences psychosociales importantes, doù lintérêt de travailler avec les médecins-conseils et médecins du travail et, surtout, cest un fourre-tout nosologique. Cest la raison pour laquelle on a de plus en plus tendance à parler de syndrome fibromyalgique. Tous les cliniciens sentendent à penser que dans ce cadre là on trouve des gens qui ont des maladies très différentes. Cela me fait penser à la polyarthrite scapulo-humérale du siècle dernier jusquau moment où on a démembré cette poly et on sest rendu compte que cétait des maladies qui navaient rien à voir ni au plan diagnostic ni au plan pronostic ni au plan du traitement. Il faut certainement trouver des sous-populations de fibromyalgiques qui bénéficieront dune prise en charge particulière.
Le diagnostic :
Les critères actuels sont uniquement cliniques : une
histoire douloureuse qui dure depuis plus de 3 mois et 11 points douloureux sur 18 chez un
sujet donné fixes chez ces sujets là. Avec ça on peut trouver des tas de maladies. Cela
se passe surtout au niveau des ceintures : 10 points douloureux cervico-scapulaires,
4 lombo-fessiers.
Il y a de multiples hypothèses et des sous-groupes de patients pour lesquels,
probablement, dans les prochaines années, on les repèrera mieux
Questions :
Une question sur les sportifs de haut niveau.
4. Abord fonctionnel du patient fibromyalgique :
Un sportif qui cesse brutalement son activité va développer des douleurs, des douleurs de déconditionnement, qui risquent de se pérenniser sil ne retrouve pas un bon ré-entraînement et un bon dosage.
La fibromyalgie, pour nous rééducateurs, a posé un problème qui était de savoir comment nous pouvions nous situer face à ce symptôme puisque nous travaillons sur une classification des handicaps qui, au stade 1, correspond à une déficience cest-à-dire à une conséquence directe dune lésion. Là, nous sommes dans un cas où nous navons pas de lésion bien précise. Cependant, quand on parle de déficience on fait référence à lexamen que lon fait, en tant que rééducateurs, et que font les kinés. Cest la recherche danomalie de la respiration, de contractures musculaires. Dès ce stade, on peut entrer dans une démarche de ré-éducation, démarche un peu hors protocole et un peu à la demande.
Le deuxième stade, cest lincapacité, cest à dire les conséquences fonctionnelles de la lésion, en résumé cest donc douleur, fatigue et trouble du sommeil.
La douleur, que nous avons appris à prendre en charge, et les douloureux, dont la grande majorité sont des lombalgiques, nous ont fait comprendre que le mouvement était un traitement de la douleur indispensable. On prend aussi en charge les algodystrophies et on a compris que dimmobiliser une algodystrophie cétait une erreur.
Quant à la fatigue, cela nous évoque le déconditionnement à leffort, cest vraiment la tarte à la crème en terme de rééducation. On se pose, à juste titre, la question de savoir sil faut reconditionner à leffort tous les handicaps.
Le trouble du sommeil on sen occupe guère.
Le troisième stade, cest le désavantage, cest-à-dire les conséquences transversales de la douleur. On sait que cela relève dune prise en charge pluridisciplinaire où, manifestement, le rééducateur a sa place.
Le problème du déconditionnement à leffort est la perte de capacité à leffort avec les pertes de performance deffort aérobie, la perte des possibilités dendurance et la perte des forces musculaires, avec des conséquences physiopathologiques, conséquences vasculaires et musculaires. Une des premières causes de ce déconditionnement à leffort est laccident cardiaque ; la rééducation cardiaque est un reconditionnement à leffort adapté. Il est retrouvé dans la lombalgie de manière à peu près constante et il a été mis en évidence dans le diabète, dans les bronchites chroniques et on le retrouve chez les sportifs, après l'arrêt dactivité. Trois semaines darrêt égal trois mois de récupération à peu près, cest quelque chose de connu.
Alors, existe-t-il un déconditionnement dans la fibromyalgie ?
La manière simple de mesurer un déconditionnement est la VO2 max. : cest la capacité deffort aérobie. Toutes les études retrouvent une anomalie, un certain chiffre de déconditionnement.
Il faut organiser la rééducation du fibromyalgique. Sur la douleur à court terme on va agir sur les déficiences. Le massage, la chaleur, le froid sont recommandés .
Sur la douleur à long terme cest le reconditionnement à leffort mais, ne pas faire un reconditionnement de haut niveau mais selon les stages de reconditionnement à leffort des lombalgiques, type restauration fonctionnelle. Cest-à-dire, 5 ou 6 heures par jour sur 5 jours et pendant 3 semaines.
Il ne faut pas mettre tout le monde au même niveau ; il faut partir avec des objectifs précis, arriver à un dosage avec le malade et organiser ce reconditionnement.
Tout le problème est la stratégie à avoir : mon objectif est de faire sortir le malade du soin, alors en combien de temps ... ? Je ne sais pas, ce sera peut-être avec une hospitalisation ou 2, mais ce que je lui propose cest quun jour il sorte du soin.
Lautre objectif cest quil ait une activité physique, plutôt dendurance, régulière, cest pratiquement de la bonne hygiène de vie. On demande deux à trois heures dendurance par semaine. Cest un minimum, on peut faire plus.
A partir de là je donne un avis rééducatif et je peux lui dire : « vous avez organisé vos activités de manière tout à fait correcte, vous êtes actuellement pris en charge par un kiné et vous menez à bien votre activité physique ; continuez comme ça et on se reverra en consultation dans quelques temps. » Cest quand même vrai pour un certain nombre de malades.
Pour dautres je les adresse en kiné libérale où on va faire le même travail, un travail sur les déficiences, et encourager à une activité physique. Dans certains cas il va falloir repartir sur du multi disciplinaire + lourd, + large, ou vers le centre. Certaines fois on entre en centre de rééducation, soit en hospitalisation, soit en hôpital de jour, mais avec deux éléments importants dans lensemble de rééducation : la piscine, ça permet de faire des efforts, ça peut être transposé hors soin puisquon peut aller après à la piscine municipale, et un ré-entraînement contrôlé.
Le
troisième élément cest lergothérapie. On peut réapprendre de la gestuelle
pour éviter de se faire mal sur des gestes. Il sagit dune ergothérapie
différente de ce quon fait en neurologie ou sur la Polyarthrite Rhumatoïde,
puisque là, la lésion est difficile et on fait à la demande. Après, on repart vers le
libéral et leffort. Tout le problème est de choisir un objectif précis avec le
malade.
4 - 2. Ce que lon peut voir en kinésithérapie sur les fibromyalgies :
La première séance est importante : le patient est complètement déconditionné physiquement avec la peur de leffort, de faire des exercices ; il ne comprend pas sa pathologie, il nous pose énormément de questions, il est mal compris par son entourage familial et professionnel ; il recherche des explications un soutien et un allié dans les soins.
Notre rôle sera une prise en charge globale. Redynamiser le patient, le reconditionner et le stimuler aussi psychologiquement, sinon il ne ferait pas grand chose de ses journées.
La prescription vient du centre anti-douleur ou du centre de rééducation. Soit on intervient en deuxième, après le centre de rééducation, ou en premier, après la prise en charge du centre anti-douleur.
Il y a complémentarité entre le centre de rééducation fonctionnelle et la kiné libérale.
En général nous voyons les patients deux à trois fois par semaine sur une séance de ¾ dH à 2 H 30 en fonction de ce que lon propose.
Objectifs de la kiné libérale en première intention :
- Lébauche du reconditionnement
- Motiver le patient pour sa prise en charge au centre de rééducation.
En deuxième intention :
- Prolonger les résultats obtenus
- Convaincre de continuer le sport à lextérieur : piscine, vélo, gym ou relaxation par exemple.
On a besoin dune forte motivation du patient, sinon cest léchec.
Techniques proposées :
- Dabord le bilan du patient :
Le diagnostic kinésithérapique : cest une fibromyalgie avec des douleurs diffuses, une raideur générale, une grande fatigue, des troubles de la sensibilité, avec une hyperesthésie générale, des troubles du sommeil, une intolérance aux exercices et à la marche.
- Les objectifs, cest dabord la sédation de la douleur, la restauration des amplitudes analytiques et globales, surtout du rachis ; un renforcement musculaire, des assouplissements et une hygiène de vie. Donner des conseils par rapport au sommeil, à la vie de famille et au travail.
Le protocole de rééducation. Il peut se faire à sec et en piscine :
- A sec, il y a le massage, antalgique, circulatoire. Les massages superficiels pour redonner des sensations à la peau. Les massages défibrosants, type palpé-roulé. Lutilisation de TENS qui sont bien perçus par le patient. Lapplication de la chaleur, mobilisation analytique, soit en fonction des douleurs soit avec intervention des médecins de rééducation.
Le travail de la respiration par la relaxation ou alors, plus loin, la sophrologie.
Protocole de reconditionnement progressif à leffort:
Cest un travail musculaire qui se fait quand la douleur a déjà bien été acceptée.
Du vélo, de la presse, faire travailler les abdominaux, les dorsaux avec des machines de remusculation ou des exercices gymniques.
Des étirements, la proprioception sur des plateaux de rééducation ou sur des gros ballons. Ensuite lapprentissage dauto rééducation à faire chez eux, exercices simples, à faire dans la journée, par dix minutes.
- En piscine, il est possible de faire des mouvements que les patients nont plus lhabitude de faire. De la marche, des assouplissements, des massages au jet, du travail de la sangle abdominale, des dorsaux, et une détente générale.
Il
faut y aller progressivement, mais ce nest pas barboter dans leau sans jamais
voir le kiné.
5. Mieux prendre en charge les aspects psychologiques :
La douleur peut se décliner comme une sensation, une perception, comme une émotion du vécu, comme un comportement, une gêne, et comme une cognition cest-à-dire une pensée, une représentation.
Lhypnose négative, cest une métaphore, cest-à-dire que la personne va se focaliser sur la douleur, elle va amplifier un certain nombre de choses qui sont le rétrécissement de lespace, lhyperesthésie, cest-à-dire lamplification des sensations corporelles, lhypermnésie, cest-à-dire laccentuation de la mémoire et la distorsion du temps.
Ma façon de voir les choses est utilitaire et à partir de ce que mont appris les fibromyalgiques et les douloureux chroniques. Elle n'a pas de valeur théorique mais plutôt opératoire.
Je pars de la détresse : elle peut se décliner en un certain nombre dexpressions émotionnelles, elle peut sexprimer comme la douleur physique, par la fatigue, par la colère, par la douleur morale et elle peut sexprimer par le stress. Limportant dans le cadre des patients fibromyalgiques, sils sexpriment par la douleur physique, ça veut dire quils ne veulent pas entendre parler dans un premier temps dautres formes dexpression et, ce qui me frappe, cest que, même sils sont fatigués, le lien nest pas forcément fait entre les deux, même sil y a des antécédents de dépression, ça arrive dans 2/3 des cas, le lien entre le vécu douloureux chronique et la dépression nest pas forcément fait. Même sil y a des situations de stress post traumatique cest à dire des situations après des accidents ou des pathologies de type violences le lien nest pas forcément fait.
On peut remettre ça dans une trajectoire quà partir du moment où on a accepté la douleur physique. Cest ça la porte dentrée.
Les consultations :
Neuf femmes sur dix patients.
Je commence par créer lalliance, écoute active et soutenue. Sa fonction est de protéger de rassurer et sécuriser. Centrer sur le langage du patient, sur le corps et sur la douleur. A travers ça, quelle écoute il y a eu jusquà maintenant par le corps médical, par le corps social, par le corps professionnel et quelle écoute du patient lui-même de son propre corps ?
Lobjectif va être de « passer » le diagnostic de fibromyalgie. Au début je me disais : « allez, on a mis un diagnostic », mais en fait : on enferme les gens dans un diagnostic et cest une catastrophe.
Maintenant cela ne me pose pas de problème ; je mets le diagnostic de côté, cest-à-dire : « bon vous êtes fibromyalgique, et maintenant ? » Il est probable que ce diagnostic a sa valeur et que ça nécessite de pouvoir laccepter.
Observer, observer et repérer.
Du côté de lenvironnement : ce qui a été entendu et ce qui ne la pas été, ce qui est efficace et ce qui ne lest pas.
Du côté du patient : repérer les exceptions en terme de comportement, daction : entre autre, la situation où la douleur est moindre, les ressources : ce qui est sain, les ressources actuelles, les ressources passées : souvenirs, situations dans lesquelles le mode de vécu a été positif pour le patient.
Ensuite, les événements de vie, les situations déclenchantes, les éléments de vie négatifs : traumatisme physique, psychologique, dépression, stress, fatigue, trouble du sommeil, et les événements de vie positifs : les situations de récupération et les situations de réussite.
Plus délicat : les croyances sur lesquelles repose la vision du monde du patient.
Avec une patiente, je fais de lhypnose. Linduction très bien, la patiente se relâche et puis, tout dun coup, apparaissent des douleurs terribles, elle se tord dans le fauteuil, cétait vraiment terrifiant et, à la sortie de la séance, je dis : « cest horrible ce qui vous arrive », elle répond : « oui, jai un peu mal ». Entre les séances elle dit qu'elle va de mieux en mieux et à chaque séance cest le même scénario. Ce quelle ma dit, ça, ça fait partie des croyances et vous allez comprendre pourquoi le lâcher prise était impossible chez elle. Je constate, chez un certain nombre de patientes fibromyalgiques, que cest une pathologie de la puissance et cest pour ça quil ne faut pas leur parler de dépression, cest aussi pour ça quil ne faut pas leur parler de ce qui ne va pas. Cest-à-dire que cest leur corps qui les trahit, elles sont dans un processus de relation où elles doivent être fortes, processus guerrier où il y a la perfection, la reconnaissance, une fonction de survie ; cest vital, cest comme ça quelles vont être reconnues.
Dans un premier temps, parler de problèmes psychologiques ou autres est une disqualification. Cest le corps qui trahit et qui les empêche de continuer à être dans ce mode de fonctionnement sur lequel repose une bonne partie de leur existence. Cest une pathologie de la puissance qui repose sur lutopie dun monde sans problème.
Ce qui est intéressant cest quon se rend compte quun certain nombre de patientes, avant la fibromyalgie, sont bien adaptées. Elles en font parfois plus et, quelque part, ça devient inacceptable, que tout dun coup la douleur effondre comme si la douleur était repérée bien avant et queffectivement, à partir du moment où il y a un événement de vie, la ménopause, un accident, qui vient effondrer ce système-là, à partir de là cest comme si cétait une guerrière qui était au front et qui, tout dun coup, est blessée et ne peut plus aller au combat. Comme elle ne peut plus aller au combat et que cest son existence propre qui est en jeu, cest sa raison de vivre ; à partir de ce moment là, la chose quelle va demander en premier : cest une reconnaissance. Le diagnostic de fibromyalgie, cest un peu la médaille, et cest pour ça quil faut avoir une reconnaissance de la victime dabord, avant de pouvoir traiter dans un deuxième temps. Traiter une modification des représentations qui permettent daccepter de soccuper de soi.
Les dangers de lamélioration sont tant sur le plan familial que professionnel et social.
Exemples : Une patiente qui a repris le travail. Que sest-il passé ? Elle avait une représentation, dans son travail, de la femme qui obéit, qui se soumet à sa chef, qui fait plus de travail que les autres. Elle arrive en mi-temps thérapeutique ; elle ne peut plus faire la même chose, et comme elle a tendance à prendre conscience des choses, elle commence à se rebeller. Que se passe t-il ? Elle est disqualifiée par sa chef, par ses collègues, par son environnement professionnel qui commence à la traiter de « tire au flanc ».
Cest très important.
Troisième étape, cest reconnaître :
Cest reconnaître la détresse, cest reconnaître linconfort. Cest reconnaître que, dune certaine façon, elles sont victimes du devoir et que cest le corps qui trahit. Cest reconnaître aussi le courage, cest une dimension essentielle ; cest le courage de devoir être dans lagir et de devoir aller de lavant et dêtre. Donc, cest reconnaître la vision du monde et les croyances sur lesquelles ça repose.
Recadrer la douleur comme une ressource, cest-à-dire que cest le signal dalarme qui dit que le corps est en détresse. Quand le recadrage de la douleur comme une ressource va être opérant, on va pouvoir travailler sur la réappropriation du corps. Réassocier le patient avec son corps au niveau du vécu perceptif, centrer sur la douleur, en utilisant les ressources, y compris les ressources sensorielles. Cest intervenir sur des choses très élémentaires : avec le vécu émotionnel, ça va être le travail en lien avec la douleur et la fatigue. Quelque chose de très important aussi, cest la non-acceptation du vécu de colère et des situations de stress. Au niveau des représentations, cest le travail au niveau des croyances. En complémentarité avec la kinésithérapie où le travail de leau est important, car leau est en résistance, cest-à-dire que ça ne vient pas de la personne propre, cest lagent extérieur qui vient faire pression sur le corps. Thérapie brève, NMDR, etc.
Re-contextualiser le patient dans sa relation au niveau familial, professionnel, social. Dans le traitement cest évidemment au niveau de ce que la personne en attend.
Cest définir lobjectif minimal qui va amener le patient dans une écoute attentive de ses besoins, pour quil aille de mieux en mieux, en terme dautonomie, dans sa capacité à prendre soin de lui.
Questions de la salle :
Pourriez-vous, en quelques mots, définir le NMDR?
Cest une technique qui vient des Etats Unis. Le principe est le suivant :
Cest très efficace sur le syndrome post traumatique et sur la douleur. On demande à la personne de se focaliser sur la douleur et on demande à sa mémoire de retrouver un souvenir où son corps a déjà vécu la même chose. Sur ce souvenir, quand cest un souvenir de traumatisme psychologique qui peut être un accident, un acte de violence, ... on va demander à la personne, aujourdhui, quelles sont les cognitions, disons les pensées négatives, quelle a quand elle se remémore cette situation-là. Puis on va lui demander quelles sont les pensées quelle préfère mettre à la place ; puis on la connecte sur son vécu sensoriel et, à partir de là, on fait des mouvements oculaires ou dautres techniques qui amènent le cerveau à retraiter linformation. En fait cest comme si, à ce moment là, le cerveau restait fixé sur la mémoire traumatique, sur lévénement traumatique et ne pouvait plus bouger. Voilà en gros ce que cest.
Dans cette pathologie de la puissance, faut-il leur dire quils ne pourront pas faire plus tard ce quils faisaient avant ?
Oui, mais pas tout de suite.
Il vaut mieux ne pas dire ça comme ça. Il vaut mieux dire : quest-ce que vous allez pouvoir faire maintenant ? de différent ?
Lexistence de conjoint fibromyalgique ?
Certainement, mais la douleur sexprime autrement. Ils ont dautres moyens dexpression. Ce qui me semble important dans la fibromyalgie cest que cest en résonance avec la famille nucléaire qua commencé, cest-à-dire, je crois et ça nengage que moi, que par rapport à ce quon constate, on est dans une situation où la famille nucléaire envoie des messages qui sont transgénérationnels ; cest un « tais-toi et marche » en quelque sorte mais ce nest pas un simple « tais-toi et marche », cest un « tais-toi et marche » qui est en position de survie. Cest « marche ou crève ». Si on va trop vite dans le fait de les mettre en position de détente ou de relâchement, on a des risques, qui ont été décrits, de dépression ; parce quon les met en situation dimpuissance ; en dautres termes, on vient attaquer le système de croyance sans avoir mis dalternative à la place.
M. R. Godet, AMDCF : Je voudrais dire, en temps que représentant dassociation, nous qui sommes à lécoute de pas mal de malades, on partage totalement votre hypothèse, qui nest soit disant que la vôtre, puisquon organise des groupes de paroles. On se trouve confronté à ce syndrome de puissance puisquon est face à des gens qui sont totalement bloqués, qui refusent de rentrer dans un débat ; ils sont totalement figés et ils refusent une prise en charge psychothérapeutique dans tous les cas.
Tout à fait et je vous remercie parce que je peux dire que ce sont les fibromyalgiques qui mont appris cela, à parler comme ça, parce que ça ils peuvent lentendre. Effectivement, et cest pour ça que cest difficile de les amener à une prise en charge psychologique dans un premier temps. Parce que la prise en charge psychologique cest une disqualification ; ce nest pas la tête qui ne va pas, la tête fonctionne bien ; ils ont un projet de vie. Le projet de vie est dans le fait quil faut marcher. Cest le corps qui ne fonctionne pas, cest le corps qui trahit donc, quest-ce qui est demandé ? « Faites en sorte de remettre mon corps en état pour que je puisse continuer. »
Lapproche psychologique ne peut intervenir quà partir du moment où on a déjà commencé à recadrer les choses.
Est-ce que vous avez vu des enfants fibromyalgiques ?
Je nai pas vu denfants dits fibromyalgiques, mais des enfants douloureux chroniques ; mais on trouve des choses un peu comparables.
Avez-vous lexpérience de prise en charge des fibromyalgiques par des psychomotriciens ?
Je nai pas
cette expérience, mais je pense quils peuvent avoir leur mot à dire ; je
crois aussi, comme quand on parlait des kinés
tout à lheure, que les kinés
finissent par avoir un travail de psychomotricité chez les fibromyalgiques.
Comment expliquer quon a tant de mal à leur refaire faire des efforts, alors que cest la puissance qui
Parce que le jour où vous tombez au combat, cest complètement humiliant. Ça veut dire que cest votre vision du monde qui seffondre, ça veut dire que tant que vous navez pas dalternative, cest aussi vrai pour tous les dépressifs
On leur donne la possibilité de le faire et ils
Sauf que là on se confronte à des choses qui viennent de loin, à des choses dordre transgénérationnel très souvent. Je ne dis pas que cest toujours le cas mais que ça cest des messages qui sont extrêmement puissants ; je veux dire que cest à peu près comme un indien dans la ville : il arrive dans une ville tempérée, il a des problèmes pour sadapter.
Dr Nizard : Je serais quand même tenté de parler de ceux qui vont franchement mieux. Il y en a. Ce quils nous racontent, cest exactement ce que tu dis : il y a eu une espèce de sidération, il y a eu un accident, il y a eu cet effet boule de neige, ça cest décompensé. Un certain nombre arrive à se refabriquer quelque chose de totalement différent qui marche bien. On constate quils changent de métier, quils prennent du temps pour eux, quils font des choses différemment. Ceux qui nous écrivent pour nous dire « ça y est, jai compris », sont des gens plus apaisés et qui disent: « je me suis battu pendant x années et je me suis repositionné différemment ».
Dr Bardot : On comprend pourquoi ça a une telle résonance sociale ; la société pousse dans ce système, pousse dans la puissance elle pousse dans le fait de lagir .
Anne Samson, AMDCF : Est-ce que vous pourriez préciser ce que vous mettez derrière "recadrez la douleur comme une ressource" ?
Cest le temps qui me semble essentiel. Je pense que lorsque le patient a compris que la douleur peut être aussi une ressource, il y a quelque chose qui change. Quand je dis « recadrer la douleur comme une ressource », jutilise une métaphore, cest-à-dire quon peut être très bien chez soi et faire des tas de choses. Mais sil y a le feu, il y a le signal dalarme qui sallume, et on peut avoir deux attitudes différentes : on peut entendre le signal et on peut avoir les réponses adaptées pour éteindre le feu ; mais on peut ne pas entendre le signal dalarme et à ce moment là, le feu va continuer à se propager. Là où est la différence cest que, quand la douleur se répète, on rentre dans un processus de tensions corporelles de douleur. Ce nest pas par hasard que ça atteint plutôt les points au niveau des articulations, cest le mouvement qui est atteint ; cest pas nimporte quel endroit, donc là aussi cest laction, cest là que le corps dit : « laction, ras le bol, ça souffre !!! » Plus ils sont dans le déni de leur douleur pendant un certain temps, plus la mémoire enregistre et on arrive à des seuils douloureux dhyperesthésie où on constate des dysfonctionnements. Il est probable, et on a des cas où cest soit ça, soit, quand on a des pathologies traumatiques, ça réactive et amplifie la douleur et lentretient. De toutes façons, on est dans le dysfonctionnement douloureux. Donc la douleur nest pas acceptée comme un signal dalarme, cest-à-dire quil ny a pas de reconnaissance. Quand le recadrage est fait, ça fonctionne. Parfois pour le recadrage je peux utiliser une technique hypnotique pour amplifier la douleur pour que le patient soit dans la re-perception de la douleur.
Anne Samson, AMDCF : Avez-vous des rémissions totale ?
Je ne dirai pas que jai des rémissions totales, et cest dangereux de dire ça. Limportant cest ce que le patient veut. Jai une patiente qui est au seuil de douleur 3 et qui se remet à travailler et pour qui, pour le moment, ça se passe très bien.
On ne peut pas
fondamentalement remettre en cause les systèmes de croyance. A partir de là, il y en a
qui vont avoir besoin
de garder un petit seuil douloureux,
parce que ça reste leur justification, cest leur truc. Il y en a chez qui ça
disparaît complètement.
Jai une patiente, et là je me suis autorisé parce que je la suivais depuis des années ; elle travaille avec un patron qui était un harceleur moral. Pendant vingt ans de travail, elle sest complètement soumise, elle pouvait travailler dix heures quand elle nen avait à faire que huit. Il avait un malin plaisir à lui donner les dossiers le vendredi soir, à la dernière minute, au moment où elle commençait à débaucher, et il disait: « il me les faut tout de suite pour que lundi ce soit sur la table ».
Que sest-il passé ? Elle a commencé à déclencher une douleur à lépaule, puis au coude, puis aux doigts, puis elle sest généralisée. Elle sest arrêtée en arrêt de travail. On voit bien que le rôle de la douleur dans ce contexte-là, cétait écologique, sauf que, elle, dans sa représentation « que va dire mon patron », elle était dans une relation demprise, « je ne peux pas accepter ça ». Je lui ai dit ce que je vous ai dit aujourdhui ; elle est revenue à la séance suivante, un mois après, et elle ma dit : « ce que vous mavez dit ça ma fait mal. » Ses douleurs ont disparu. Attention, cest une situation particulière que javais en thérapie depuis trois ans ; elle était dans une relation demprise depuis quelle était toute petite.
Dr Nizard : Comment les psychiatres peuvent être utiles au sein du réseau pour aider dans les jeux de pouvoir avec lassurance maladie ?
Sil y a des représentants de lassurance maladie, peut-être que cest de leur faire un Cest vrai quil y a des relations de conflit, il y a une position victimaire, il y a forcément une position : persécuté / persécuteur. Et quand il y a une attente de reconnaissance, il ny a pas quune attente de reconnaissance du corps médical ; il y a une attente de reconnaissance de la société aussi.
Qui fait le lien dans ce contexte là ? Cest effectivement les médecins-conseils. La question est de savoir si la détresse est prise en charge ou pas. Cette détresse plus on laggrave plus elle se chronicise.
Un
patient qui était dans une relation demprise, il y en a beaucoup qui sont dans
cette relation demprise, il présentait un syndrome douloureux chronique et il
sest battu. La caisse de sécurité sociale ne voulait pas entendre parler de ses
arrêts de travail et de sa maladie. Là, jai fait une lettre, et le
médecin-conseil que jai eu au téléphone ma dit : « je le prenais
pour un simulateur ». Cest pas rien que la fibromyalgie ait à voir avec les
simulateurs. Les simulateurs, cest aussi dans larmée quon se pose la
question. Nulle part ailleurs on est simulateur, les simulateurs ça nexiste pas. Il
y en a très peu, cest rarissime les simulateurs. Il faut avoir quelque chose à
gagner. A partir du moment où il a été reconnu, le jour où le médecin-conseil lui a
dit oui, il est resté un mois en arrêt de travail et il a repris un boulot.
Dailleurs je nétais pas très content quil reprenne car il a pris un
boulot aussi foireux et à mon avis
bon. Nempêche que le jour où il a été
reconnu, les choses ont pu être traitées et ça la soulagé. Ce nest pas
toujours le cas, mais cest une situation, cest un exemple caricatural.
Cest toute la difficulté ; les maladies ne sont pas des choses figées,
surtout quand ça touche des choses de cet ordre. Les maladies, cest aussi quelque
chose de dynamique et dinteractionnel. Il faut quil y ait des réponses.
Dailleurs vous avez créé quelque chose sur la douleur, cest un comité de
lutte. Cest vrai quon est dans cette dynamique là.
6. Place de la kétamine et des techniques
algologiques :
Dr Michel MEIGNIER Clinique Brétéché - Nantes
Pourquoi on s'est intéressé au kétalar ?
Le syndrome fibromyalgique est peu ou prou, même si létiologie nest pas complètement connue, un désordre central accompagné dune désinhibition et dune sensibilisation de la mobilisation centrale du message douloureux.
La kétamine est un anesthésique utilisé pendant des années comme anesthésique de surface pour les brûlés, en cardio, parce quil permettait de maintenir une respiration spontanée. Cest un produit quon connaissait bien et qui est complètement tombé en désuétude parce quon avait, aux doses anesthésiques, des phénomènes dysphoriques extrêmement importants.
Leffet antalgique, dans certaines douleurs, a été rapporté dés 1995. Puis il y a eu trois papiers qui ont été faits dans les syndromes fibromyalgiques, en 95, 98 et 2000. Les doses étaient particulièrement faibles, de 0,20 mg/kg, mais ils notaient une bonne tolérance et ils insistaient sur le fait que les patients qui étaient les meilleurs répondeurs étaient les sujets qui avaient le plus haut niveau danxiété aux tests danxiété, en particulier au test dHamilton.
Depuis, il y a eu plusieurs essais. Jai trouvé 49 articles, relativement récents, sur lutilisation du kétalar dans le syndrome fibromyalgique. Cela veut dire que ce nest pas quelque chose danecdotique, mais quelque chose qui commence à se développer. Les doses moyennes sont actuellement un peu plus élevées, des résultats qui sont favorables, finalement variables suivant les auteurs dans la mesure où cest pas forcément facile à screaner comme résultat, mais on a toujours une amélioration chez plus de 60% des sujets.
La kétamine est aussi essayée en douleur expérimentale, en douleur post-opératoire elle revient à la mode, aussi dans les douleurs cancéreuses et en particulier dans un essai international en cancérologie pédiatrique, ou dans les douleurs mixtes et en particulier dans les douleurs à participation à la fois nociceptives et neuropathiques. Le kétalar a transformé la vie de certains patients, en particulier en neurocancérologie, dans toutes les tumeurs au niveau neuro qui représentent un cancer sur deux chez lenfant.
On a commencé à utiliser le kétalar depuis 1998 dans lunité et, en 2002, sur les syndromes fibromyalgiques. Entre le 1er Janvier et le 30 septembre 2002 on a fait 298 patients adultes, répartis à 90% de femmes et 10% dhommes, et 32 enfants de 10 à 15 ans. Chez lenfant, cest comme dans les migraines, on a la même proportion de garçons et de filles. Ce nest que chez les grands enfants quon va voir arriver la proportion de femmes.
Le protocole que nous avons fait pour un adulte « normal » : on fait 100mg le premier jour sur 24 H, cest à dire 1,5 mg/kg en moyenne, on monte à 150 mg les deuxième et troisième jours si cest bien toléré, puis on va diminuer sur douze heures et on va arrêter.
Le gros problème, sur lequel on a eu quelques ennuis, cest quil faut avoir un abord veineux de qualité au niveau du bras, qui ne peut pas se plier, avec une veine qui ne serve quà ça. On veille de façon très soigneuse à ne pas avoir de rupture de charge.
Sur les 50 derniers malades, lEVA de départ était à 7,22.
Résultats : diminution de lEVA de 65 % au cours de lhospitalisation sur 85 % des patients.
Actuellement on considère, avec le protocole quon a, quon améliore au moins transitoirement 85 % de nos patients.
On a pratiquement toujours des troubles du sommeil le premier jour, avec des patients qui ne dorment pas, qui ont souvent des céphalées. On a une amélioration qui arrive entre 24 et 36 heures, mais qui est perceptible au départ du troisième jour, cest à dire entre 48 et 70 heures. Tous les patients quon reverra vont décrire une fatigue extrême pendant les dix premiers jours. Cest quelque chose sur lequel il faut insister : déjà quils sont fatigués davance, ils vont être là « ratatinés » au moins pendant 7 à 10 jours.
On na aucun effet adverse, pas daccident, pas dennui grave. Par contre on a le flash qui est extrêmement désagréable. Cest quoi ? Cest une perf qui est coudée, linfirmière vient, fait un petit peu de « running » sur la tubulure et le patient prend un flash. Cest extrêmement désagréable. Maintenant on met des valves anti-retour, mais on a encore ça, et malheureusement, en particulier quand on a des gens un peu nouveaux dans le service. En règle générale, les patients tolèrent très très bien et nous navons un arrêt du traitement que chez 4% des patients qui ne supportent pas ou qui ne veulent pas continuer en tant que tel.
Sur les cinquante derniers patients traités, sur lesquels on a suffisamment de recul, on a un effet qui persiste à deux mois chez 75%, avec une EVA presque divisée de moitié de 7,2 à 3,9. A quatre mois, on a un effet favorable chez 62% des patients avec une EVA à 4.
Dès que les patients disaient que ça refaisait mal, on refaisait une nouvelle cure. Des cures, en hôpital de jour, sur quatre heures. Ça a été un échec total avec des patients qui étaient plus mal quavant. On a essayé de faire sur un temps plus court, sur un jour et demi mais cest pas bon. Actuellement on est revenu à la même séquence de trois jours dhospitalisation. On a un patient sur deux qui va doubler sa durer : sil a été soulagé pendant trois mois, il sera soulagé pendant cinq à six mois. On a à peu près 50% des patients qui vont diminuer leur douleur.
On a une différence très importante entre les hommes et les femmes. Chez les femmes, manifestement, on est très bon, avec au moins 85% damélioration. Limpression clinique cest que plus on le fait tôt chez des gens qui nont pas épuisé toutes les ressources thérapeutiques et meilleur sera le résultat. En particulier chez des gens qui nont pas été poly-médicamentés. Par contre, chez les hommes, on n'est même pas à 50% damélioration. Chez les enfants, on n'a pas un nombre suffisant pour le voir, mais on considère quavant douze ans on a les 2/3 qui vont être améliorés et, après 12 ans, on retrouve ce quon a chez ladulte, avec la différence entre hommes et femmes.
On a regardé ce que ça donnait sur la consommation de médicaments. On a une diminution de moitié chez presque 50% des patients et chez 12% on a un arrêt de toutes thérapeutiques antalgiques. Un certain nombre de patients avaient des thérapeutiques de palier 2, voire de palier 3, et on a pu diminuer. Actuellement tous les patients quon a vus sous morphine ont pu diminuer de moitié, au moins, la consommation.
Lénorme intérêt est de permettre le ré-entraînement. Les gens vont être beaucoup moins douloureux, beaucoup moins tendus et ils vont pouvoir entrer, à ce moment là, beaucoup plus facilement dans un programme de ré-entraînement. Actuellement on essaie de faire une perfusion de kétalar et dire : « vous allez être mieux et vous allez pouvoir vous occuper de vous et repartir dans un programme de ré-entraînement ».
Le souci quon a eu cest que certains malades vont tellement bien à la sortie quils reprennent les activités comme avant, sans aucun ré-entraînement, et ils se « plantent » dans le mois et demi ou dans les deux mois.
Cest en particulier pour « les cadres dynamiques », qui repartaient comme en quatorze, qui narrêtaient pas de speeder et quon revoit après un mois à un mois et demi, en échec, alors quils étaient bien pendant ce temps.
Lintérêt du kétalar, cest de casser une crise douloureuse, subaiguë et chronique, et dire quil faut passer dans un programme de ré-entraînement, cest comme ça quon vous améliorera le plus.
Une équipe de Marseille vient de publier une étude très intéressante, et en a parlé au congrès de San Diego, sur lutilisation de la voie sous-cutanée avec des doses plus faibles que les nôtres puisquelles sont de 50 mg/jour. Par contre, linconvénient cest que cest dix jours dhospitalisation. Cest relativement long mais les résultats sont meilleurs que les nôtres en terme defficacité. Est-ce que cest parce que la résorption est plus souple ou est-ce que cest parce qu'on les traite plus longtemps ? Je ne sais pas.
Ce nest certainement pas « Le Traitement », mais cest certainement une voie de recherche intéressante, comme aussi la xylocaïne. On est en train de démarrer un travail clinique sur lutilisation des deux en même temps, kétalar et xylo, par voie intraveineuse. Les premiers résultats, sur seulement trente malades, montrent quon est encore meilleur et que par ce biais là on peut encore gagner. Il y a une utilité évidente qui apparaît assez logique sur ce quon connaît de cette maladie là. Mais, encore une fois, ce nest quun petit versant, le gros intérêt du kétalar cest de permettre, derrière, un programme de ré-entraînement.
Questions :
Dr Nizard : Il paraît légitime de proposer du kétalar au patient fibromyalgique et, à partir de là, il peut choisir sil souhaite entrer dans un protocole comme celui-ci. Un reproche méthodologique qui est souvent fait à ces études, cest quon ne peut pas attribuer lefficacité au kétalar seul ; cest lefficacité dune prise en charge pluridisciplinaire avec du kétalar.
Dr Meignier : Sur la perfusion par voie sous-cutanée durant dix jours, les patients étaient au repos et ce nest quaprès quils ont entamé un ré-entraînement à leffort. Peut-être quavec des doses plus faibles on aura encore moins deffets secondaires. Ce quil faut voir maintenant cest si le temps est une variable importante ou pas. Cest vrai que passer trois jours en hospitalisation cest acceptable, mais dix jours ça commence à être un peu long ; on ne fait pas grand chose et ça immobilise des lits.
M. R. Godet, AMDCF : Quelles sont les contre indications formelles à lemploi du kétalar ?
A ces doses nous ne sommes pas dans des doses anesthésiques. Nous utilisons des doses maximums de 1,5 mg/kg jour, alors que la dose anesthésique est, par voie intraveineuse, entre 2 et 3 mg/kg et en direct. Par voie sous cutanée ou intramusculaire, cest 10 mg/kg. Tout le problème cest que cest un produit classé comme anesthésique, théoriquement cest un produit utilisé par des anesthésistes. Maintenant, les gynécologues utilisent bien de lAdalate par exemple. Le gros souci quon a, car on ne peut pas avoir dinconvénient avec ce produit là sauf s'il ny a pas derreur de dose etc., cest sur la gestion infirmière.
Il faut quon re-briefe en permanence les équipes soignantes, en particulier quand on a une petite nouvelle qui arrive, parce quelle fait comme elle fait dhabitude quand elle voit une perf un peu douteuse, elle pousse un peu dessus pour voir si ça gonfle, si ça fait mal A ce moment là le malade fait un petit « voyage » Ils naiment pas ça du tout. Ils ont une impression de partir, cest une impression extrêmement désagréable.
La salle : Avec la xylocaïne ?
On fait 4 mg/kg sur 24 H. non adrénalinée et pendant les trois jours.
7. Rôle du Médecin du Travail :
DrFrançoise CHATELIER, Consultation de Pathologie Professionnelle-C.H.U. de Nantes.
Je suis médecin dans le centre de rééducation fonctionnel de La Tourmaline à Nantes et médecin en pathologie professionnelle au CHU. Nous collaborons avec le centre anti-douleur puisque nous sommes amenés à donner des avis sur des malades pour leur avenir professionnel.
Les médecins du travail sont, eux aussi, confrontés à la fibromyalgie, et on retrouve souvent dans des dossiers de médecine du travail des douleurs comme ça, pendant plusieurs années, jusquà ce que, enfin, le diagnostic soit posé.
Il est bien évident, dans cette pathologie, que le devenir professionnel est menacé.
Je ne trouve rien dans les statistiques qui soit vraiment fiable. On dit que 2% de la population est touchée et une étude de Toulon, en 1998, dit que : 9 à 17 % des malades sont en arrêt de travail et 71% estiment ne pas être gênés dans lexercice de leur profession.
Les patients que je vois au centre, cest plutôt 90 à 100% en arrêt de travail, 80 à 90% qui disent être gênés dans leur travail. Il y a un biais de recrutement on n'a pas les mêmes malades.
Quest-ce qui est gênant dans la fibromyalgie pour travailler ?
La réponse est simple : cest « tout ». Cest-à-dire la douleur, la fatigue, la raideur matinale, les troubles du sommeil, les céphalées, le syndrome dépressif, les effets secondaires des traitements parfois.
Tout cela est très invalidant et aussi pénalisant pour lemployeur qui a un employé sur lequel il ne peut pas toujours compter. Là un jour, et absent le lendemain.
Inversement, dans le travail, quest-ce qui peut participer au déclenchement et/ou à lentretien dune fibromyalgie ? Tout en sachant que les causes sont pluri-factorielles ...
Parmi les patients que je vois, jai regardé quel métier ils avaient. Il y a vraiment un peu de tout, mais jai quand même limpression quil y a plus de secrétaires, dinfirmières, de gens qui sont dans la vente, dans lenseignement et dans le social. Ce sont aussi des métiers féminins.
Dr Nizard : Sont-ils différents des douleurs chroniques autres ?
Je ne peux pas le dire mais, cest vrai que ça mériterait une étude.
On peut essayer didentifier quelles sont les conditions de travail qui peuvent aggraver une fibromyalgie de façon à essayer de les limiter.
Il y a les contraintes physiques, travail physique important. Je pense à cette dame responsable dun rayon poissonnerie dans une supérette ; elle portait des bacs de poissons, mais elle expliquait aussi quelle devait mettre des tonnes de glaces sur létal et quelle prenait ça à la pelle tous les jours.
La station debout prolongée, les postures fixes prolongées (même le travail devant écran), le froid est mal supporté, le bruit du fait des céphalées etc Tous les facteurs organisationnels, le travail posté. Les hommes qui ont un travail posté auraient plus de fibromyalgie que les autres. Les conflits professionnels, le stress au travail, etc... sont générateurs de tensions, dun mal-être au travail et de souffrances mentales.
La restauration fonctionnelle de ces patients, cest très bien ; mais si on les replonge dans un milieu professionnel qui est néfaste, cest un cercle vicieux.
Inversement, les gens qui ont un travail intéressant, gratifiant, ça peut aider à ce quils prennent du recul par rapport à leurs douleurs et ça peut aider à sabstraire un peu de leurs douleurs. Il y a des grandes entreprises dans lesquelles on fait de la gymnastique, de la musculation, de la sophrologie etc. Je pense que ça aide beaucoup, non seulement les employés, mais les cadres.
Quand le diagnostic est enfin posé, il nest pas toujours approprié den informer sa hiérarchie, ses collègues. Cest quelquefois limage de quelquun qui se plaint tout le temps, qui va être souvent arrêté et ça peut faire peur, tout comme font peur les lombalgiques. Rester discret et en dire le moins possible dans lentreprise.
Il y a quelquefois une recherche de bénéfices secondaires : quelquun qui veut faire reconnaître ses tendinopathies des membres supérieurs en maladie professionnelle, qui veut jouer sur les deux tableaux, ou quelquun qui na pas de fibromyalgie et qui, subitement en une nuit, se découvre une fibromyalgie parce que ça pourrait être une solution pour avoir une invalidité, ça peut arriver.
Quelle stratégie adopter pour ces malades par rapport au travail ?
Le scénario idéal : cest larrêt maladie, le temps de mettre en route des soins ; dès que cela va mieux, si on peut, cest la reprise en mi-temps thérapeutique, puis la reprise à temps plein. Souvent, on est obligé de passer par une étape « intermédiaire » : temps partiel plus invalidité 1ère catégorie. En espérant toujours cette reprise à temps plein, avec, si possible, un aménagement de poste, une mutation. Laménagement de poste peut vouloir dire : aménagement physique, un siège correct, des accoudoirs, un plan de travail un peu évidé et surtout, ne pas oublier les aménagements dans lorganisation du travail, donc la restriction de certaines tâches physiques, de certains déplacements, de faire varier les tâches, obtenir des horaires flexibles, un temps partiel et, cest là quon aimerait développer le travail à domicile parce que les gens pourraient adapter leurs horaires, leurs jours de repos et pourraient moduler.
Le médecin du travail assurera un suivi ; vous savez quil a pour mission la protection de la santé des salariés et sil y a plusieurs visites dans lannée, il ny a pas de surcoût pour lemployeur. Il peut y avoir cinq visites de surveillance et une de reprise, cest la même cotisation pour lemployeur.
Je voudrais insister sur la visite de pré-reprise qui peut être demandée par le biais de lemployeur, mais qui peut être demandée par le salarié, sans que lemployeur en ait connaissance. Cela va nous permettre danticiper le retour dans lentreprise. Bien sûr, il faut que le médecin du travail soit informé par ses confrères, du diagnostic, de lévolution, du traitement en cours et de la date possible de la reprise. Il faut vraiment quil y ait une concertation, y compris avec nos confrères médecins-conseils.
La visite de reprise donnera lieu à un certificat daptitude. Ce certificat ne peut être rédigé que par le médecin du travail qui, seul, connaît les données de lentreprise. Les données techniques, économiques, relationnelles , quelle est la personne quil va falloir convaincre, quest-ce que lentreprise peut tolérer, je veux dire aussi les collègues.
Le médecin du travail va jouer un rôle de médiateur, de négociateur, mais ce nest pas le décideur Jouvre une parenthèse pour dire que le rendement et la compétence nont pas à être pris en considération dans la décision daptitude médicale ; le médecin du travail nest pas là pour débarrasser lemployeur des canards boiteux. Même avec un avis médical daptitude, lemployeur peut licencier sil estime que la gêne est trop importante, que labsentéisme est répété il trouvera toujours une raison : un défaut de résultat, une incompétence, etc Lentreprise naime pas les aléas.
Parfois il y a une inaptitude médicale ; on est dans une hypothèse beaucoup plus défavorable, cest le licenciement. Inaptitude à tout poste antérieur, inaptitude à tout poste de lentreprise, cest le licenciement, mise en invalidité puis préretraite si on ne peut pas remettre les gens au travail dans une autre entreprise.
Parfois les gens vont faire un autre projet de vie, soccuper des autres, de leurs petits enfants etc. et cest pas toujours catastrophique.
Quelle est la position de la COTOREP ?
La reconnaissance travailleur handicapé ne pose plus vraiment de problème maintenant ; ça a été long à obtenir mais ça y est. Les gens sont reconnus en TH A, handicap léger et temporaire par rapport au métier antérieur, ou bien B, handicap plus important, modéré et durable. Parfois même, une rééducation professionnelle avec un stage de réorientation est octroyé par la COTOREP. Je pense que ces gens-là doivent faire leur rééducation professionnelle plutôt en centre de rééducation du circuit COTOREP, plutôt quà lAFPA. Ce sont des gens très fatigables.
Au centre de la Tourmaline, jai entre trois cents à trois cent cinquante stagiaires par an, en pré-orientation, en remise à niveau ou en formation qualifiante. Actuellement jai quatre ou cinq fibromyalgiques par an, essentiellement des femmes qui souffrent, qui triment beaucoup, mais qui réussissent.
Lallocation adulte handicapé (AAH), elle est beaucoup plus rarement attribuée par la COTOREP dans les cas de fibromyalgie.
Etre reconnu par la COTOREP, cest non seulement compter dans le quota des 6% de lemployeur, cela peut donner la prime à lembauche etc., mais cest pouvoir bénéficier de laide de lAGEFIP pour le financement daménagement de poste et cest aussi pouvoir bénéficier dorganismes dinsertion comme Cap emploi.
Si
cette maladie oblige à des arrêts de maladie, il faut essayer quils soient le
moins longs possible et surtout, surtout, que la personne conserve son employeur et
quelle reste en relation avec lentreprise ; cest la meilleure
façon dessayer de remettre les gens au travail, car sils ont perdu leur
emploi, cest vraiment beaucoup plus dur après.
8. Quel rôle pour le Médecin-Conseil dans la prise en charge :
A la caisse de Nantes je moccupe de tout ce qui est prestation pour les assurés. A ce titre je vais vous parler de la fibromyalgie et Sécurité Sociale.
Il y a quelques années, la fibromyalgie on ne connaissait pas trop ; cest vrai quon na pas appris ça dans nos études. Il a fallu un certain temps pour quon sadapte et, actuellement, dans la salle, il y a cinq médecins-conseils de la Sécurité Sociale. Cest donc bien une pathologie qui est prise en compte par les praticiens de la Sécurité Sociale.
Par contre on peut faire des choses ; le praticien conseil a une certaine liberté dans ses décisions, mais il est tenu avant tout par un certain nombre de textes légaux. Cest de ça dont je veux vous parler. Ce sont des choses simples quil faut connaître.
Le fibromyalgique est, pour nous, un malade comme un autre.
- LA.L.D. : cest larticle L 324-1 du code de sécurité sociale.
Cest une nécessité quand des soins et/ou un arrêt de travail vont durer plus de six mois. Cette procédure est à linitiative, en pratique, du médecin traitant quand les soins durent plus de six mois, à linitiative du médecin-conseil quand larrêt est susceptible de durer plus de six mois. Il sagit détablir un protocole qui va définir : le diagnostic, toutes les mesures thérapeutiques, les signes cliniques. Ce protocole sera cosigné par le médecin traitant et le médecin-conseil.
Cette procédure est absolument obligatoire pour que des indemnités journalières soient payées au-delà de six mois. Egalement pour que les soins, les prestations en nature -PN- (frais de transport) soient payés au-delà de six mois. Ce qui veut dire que pour avoir droit à larticle L 324-1, il faut une affection bien déterminée, caractérisée. La fibromyalgie est une affection caractérisée. Un fibromyalgique peut relever de larticle L 324-1.
Les avantages sont les prestations en espèces -PE- qui sont payables au-delà de six mois. Cest également la suppression de carence de trois jours. Cela permet à la caisse de participer à la prise en charge des transports, pas à 100%, mais la caisse participe à la prise en charge.
- Lexonération du ticket modérateur :
Je sais quon a eu quelques problèmes, il fut un temps, avec des associations. Je pense quà Nantes cest bien compris.
LALD 30 : ça veut dire soins de longue durée, cest une liste de trente affections. La fibromyalgie nest pas inscrite sur cette liste. Même si nous voulons la prendre à 100% à ce titre, cela ne nous est pas possible. On a une certaine liberté mais on est limité par des textes.
LALD hors liste : cest une possibilité de prendre en charge la fibromyalgie. Cela permet une prise en charge pour des maladies dont les soins vont durer plus de six mois, mais qui sont caractérisées, qui sont graves et invalidantes. On a caractérisé la fibromyalgie toute laprès midi. Invalidante, je pense quil y a un certain nombre de fibromyalgique qui sont tout à fait invalides. Cela ne veut pas dire quils sont en fauteuil roulant mais quils ont une certaine incapacité dans leurs déplacements.
-La gravité : cela recoupe, autrefois, la notion daffection coûteuse. Il faut une certaine importance du traitement. On parle aussi de gravité de létat mais, ce qui est mis dans la circulaire, cest limportance du traitement.
Les fibromyalgiques, à Nantes, sont parfaitement pris en charge dans le cadre de lALD hors liste.
- La poly-pathologie : cest un ensemble de pathologies qui sont inscrites ou non sur la liste ALD 30. On y met tout ce quon veut. Il y a plusieurs pathologies qui sont, chacune, caractérisées, et cest lensemble de cet état pathologique qui donne le caractère invalidant. On a parfois des fibromyalgiques qui rentrent dans ce cadre-là parce que la fibromyalgie est accompagnée dautres pathologies.
- Les prestations en espèces : les indemnités journalières sont limitées à trois ans à partir du point de départ de la constatation de la pathologie, cest ce quon appelle un P.A.T., Premier Arrêt de Travail. Ou alors cette période de trois ans voit des périodes darrêts de travail, de reprise A ce moment-là on limite les indemnités journalières à 360 I.J. en trois ans.
Quest- ce quon fait après ce temps ?
Ou bien il y a reprise de travail ou il y a classement en invalidité. Le malade est classé en invalidité à linitiative du médecin conseil ou à la demande du praticien.
Les catégories dinvalidité :
La première, ce sont des gens qui peuvent exercer un certain travail. Ce sont des gens qui ont dans un premier temps une période de mi-temps thérapeutique, ensuite ça permet de reprendre à temps partiel. La logique de la sécurité sociale est dévoluer vers une reprise à temps plein mais, en cas déchec, après un mi-temps thérapeutique on arrive à une première catégorie dinvalidité.
La deuxième catégorie dinvalidité : ce sont des gens qui sont totalement inaptes à une activité salariée à la date du classement en invalidité. Si létat saméliore, la personne peut reprendre son travail avec une révision à la baisse de sa catégorie.
Quelques chiffres :
Répartition des fibromyalgiques par type de prestations demandées :
On n'a pas beaucoup de fibromyalgiques qui se manifestent à la Sécurité Sociale de Nantes.
Là ce sont les chiffres qui correspondent au 1er. Juillet 2001 jusquau 30 juin 2002.
41 nouveaux assurés :
pour des demandes dinvalidités : 8 cas
pour des demandes dETM : 10 cas
pour un 324 1 : 11 cas
pour larrêt de travail :18 cas
On peut dire que tous les fibromyalgiques ne terminent pas en invalidité.
Ce sont des petits chiffres.
Répartition par sexe :
77% de femmes. On avait fait une étude il y a deux ans et on avait 11% dhommes. Actuellement on à 23% dhommes.
Répartition par classe dage :
On a une majorité entre 40 et 59 ans. On n'a rien en dessous de 20 ans.
Questions :
M. R. Godet, AMDCF: Il est normal quune association de malades vous parle et cest une bonne chose. Ce que vous dites cest quil ny a pas de problème entre la sécurité sociale et les fibromyalgiques alors que nous sommes confrontés, au quotidien, à ce genre de problème. Beaucoup dI.J. sont suspendues par le médecin conseil alors que les médecins, que ce soient le généraliste ou des spécialistes, continuent de prescrire des arrêts de travail. Le patient se trouve devant une difficulté totale, il ne perçoit plus dindemnités journalières, il ne peut pas non plus reprendre son travail, dailleurs il ne le souhaite pas, comme ses médecins. Que peut-il faire à ce moment là ?
Dr Lejeune : Comme je vous ai dit tout à lheure, le fibromyalgique est un malade comme un autre. Il ny a pas de « racisme » à légard des fibromyalgiques. Pas de mesure particulière, pas de consigne particulière. Il est demandé, en cas de notification daptitude, au praticien conseil, de prendre contact avec le praticien traitant. Cest la première chose et cest nouveau. Cest depuis la dernière circulaire sur le droit des assurés. Lautre solution cest de contester, cest lexpertise. La décision daptitude à une activité, qui nest pas à un poste de travail mais à une activité quelconque, cela sapprécie cest subjectif. Quand il y a un litige entre deux praticiens il faut un troisième pour trancher, cest là où est justifiée lexpertise.
Il peut y avoir un rapprochement du médecin auprès du médecin-conseil ; les médecins-conseils ne sont pas tous des murs, il ne faut pas croire ça.
M. R. Godet, AMDCF : Le seul problème de lexpertise, cest que lexpert est nommé par lintermédiaire de la caisse primaire et, fort peu souvent, on a affaire à des spécialistes compétents, je dirais au moins « sachants », en la matière quest la fibromyalgie. On a affaire à des neurologues, des rhumatologues ou éventuellement des psychiatres. La grande difficulté pour ces gens-là, qui nont pas dexpérience clinique, est de donner une valeur au handicap présenté par le fibromyalgique.
Dr Lejeune : Oui, il y a plusieurs problèmes. Dabord il faut trouver des experts. Il y a beaucoup de médecins qui ne veulent pas faire dexpertise. Deuxièmement il faut travailler dans la qualité de service à lassuré, la qualité du service rendu, cest de répondre rapidement et donc, on surveille les délais dexpertise et on est obligé de choisir des experts qui nous répondent rapidement et pas des experts qui laissent traîner le dossier dans un tiroir six semaines ou plus. Pendant ce temps là lassuré nest pas payé. Cest vrai quon peut choisir dautres experts ; on peut en chercher sil y en a dans la salle.
Dr Nizard : Il y a un début de réponse qui vient du collège des médecins de la douleur. Le fait quon ait mis des sapiteurs médecins de la douleur pour des expertises de fibromyalgiques et dautres malades douloureux. La liste de ces médecins est disponible au collège.
R. Godet : oui, mais le sapiteur nintervient quen expertise juridique.
Dr Nizard : Par rapport à votre intervention en complément de ce qua dit Françoise Chatelier, pour éviter aux patients de mettre de lhuile sur le feu, de demander des avantages dont on sait à lavance quils vont être refusés. On voit des gens qui demande demblée lAAH, la carte de station debout pénible, la carte de parking. On sait quils nauront pas satisfaction, ils nont pas un taux dincapacité supérieur à 50% et encore moins à 80%. Les gens qui font des dossiers qui sont davance condamnés, cest du temps perdu pour tout le monde, ça embolise en plus les gens qui sont obligés de se prononcer là-dessus. Je pense que cest effectivement du rôle des associations que déclairer et dire à partir de quel moment on peut demander telle ou telle prestation.
Dr Lejeune : A propos des experts pour la sécurité sociale, il ne faut pas être inscrit sur une liste, il suffit dune liste qui soit tenue au service médical tout simplement. Tout praticien peut être expert pour la sécurité sociale il suffit de se manifester auprès du service médical.
Il y a aussi une procédure dont Madame Chatelier na pas parlé, je crois, cest le maintien dans lemploi. Quand un assuré est en arrêt de travail et nest pas licencié, on essaie de trouver, avec le médecin-conseil, une possibilité de réintégration dans lentreprise pour éviter le licenciement. Ça nexiste que dans le département de Loire Atlantique.
Un médecin-conseil de la salle : Juste une petite précision, le problème du médecin-conseil est le même que vous avez. On a souvent des problèmes de dialogue, le REDO est une réponse. Cest à dire, ce qua bien expliqué le Dr Lejeune, dès quon pressent quun patient va avoir des soins qui vont être longs, qui vont nécessiter plus de six mois de prise en charge, cest important de nous le signaler.
Pour
le signaler il faut déclencher le protocole, le fameux article 324-1. Cest un
premier contact. On a dans ce protocole le traitement qui est décrit, on a déjà une
idée de limportance de la gravité de la fibromyalgie. Effectivement, il y a des
fibromyalgiques qui ont le ticket modérateur et dautres qui ne lont pas. Il y
a un autre problème quand vous annoncez à un patient que vous allez le mettre en
invalidité. Pour lui, cest un couperet qui tombe ; il dit « ça y est,
je suis foutu ». Comme la dit notre collègue psychiatre, on est dans un
problème de relation de puissance et on lui dit, dun seul coup, vous nêtes plus bon à rien, ce nest
pas un service quon lui rend. Au début on a parlé de la durée darrêt de
travail qui conditionne beaucoup la réinsertion, donc plus on peut agir précocement et
mieux la réinsertion pourra se faire.
9. Prise en charge médicale Place des antalgiques et des
co-analgésiques :
Je nai pas beaucoup de données, il y en a peu dans la littérature ; ce que je dis là na pas une valeur scientifique, cest simplement le résultat de pas mal dannées dexpérience et de patients vus.
Niveau 1 :
Laspirine : le rapport efficacité sur effets secondaires nest pas favorable.
Les AINS ne présentent pas plus dintérêt. On parle de prescriptions, sur des patients chroniques, qui risquent de sétaler sur des années.
Le paracétamol : rarement efficace dans le contexte de fibromyalgie. Quand cest efficace, cest à forte dose de lordre de 4 g. par jour. On sait quau-dessus de 2 g par jour il y a un risque dhépatite médicamenteuse non négligeable. Jen ai vu un certain nombre. Cest un médicament en période de crise aiguë, cest un médicament dappoint.
Niveau 2 :
Paracétamol associé au Dextropropoxyphène : rarement efficace. Quand ça marche, cest à forte dose.
Les patients qui prennent, durant plusieurs années, jusquà six diantalvic par jour, ne remettent pas en cause son efficacité. Si on leur demande de cesser pendant 24 heures, il savère que ce nest pas plus mal ni mieux quavant.
Tout médicament qui nest pas sûrement utile est sûrement nuisible. Ils doivent tous être réévalués périodiquement. Donc diantalvic cest « bof ». Ce nest pas non comme les précédents.
La codéine et les associations paracétamol codéine : cest pareil. Aux doses où cest éventuellement efficace, il y a des effets secondaires : constipation
Le Tramadol : quand il est bien supporté, on peut avoir un rapport efficacité sur effets secondaires favorable. Très souvent les personnes atteintes dun syndrome fibromyalgique ont une espèce dhyper sensibilité aux effets secondaires des médicaments. Elles font plus facilement des nausées etc. Le tramadol à libération immédiate à 50 mg par prise, les patients vous disent : « Moi je ne supporte pas ces médicaments ça me donne des vertiges, des nausées, etc. ». En libération prolongée ça marche mieux mais 100 mg cest déjà une grosse dose. 50 mg de tramadol cest léquivalent de 10 mg de morphine. Les spécialités qui sont sur le marché sont souvent des surdoses. Jai tendance à proposer aux gens le Zamudol, cest le seul qui existe en 50 LP, il faut marquer non substituable. Il y a un certain nombre de patients à qui ça rend service et, sur le long terme, le rapport efficacité sur effets indésirables leur est favorable. Un inconvénient quand même, par rapport aux autres opioïdes faibles, le tramadol entraîne une dépendance vraiment importante. Beaucoup de patients disent avoir beaucoup de difficultés à se sevrer ou à baisser significativement les doses. Il y a des vrais syndromes de sevrage morphinique, cela peut prendre trois à quatre mois pour se sevrer du tramadol, même quand il est inefficace. Ça rend plus « accro » que la codéine par exemple.
La dihydrocodéine : a lavantage dexister sans paracétamol. La codéine nest pas hépato toxique et peut avoir un certain avantage, mais jai rarement vu des patients prendre ce médicament à très long cours et qui pouvaient dire que cest réellement efficace sans effet secondaire appréciable.
Niveau 3 :
Actuellement le collège des médecins de la douleur sest donné pour tâche de publier des recommandations concernant lutilisation des opioïdes dans le traitement des douleurs chroniques non cancéreuses. Il y a un numéro spécial de la revue « douleur » qui va paraître en décembre et il ma été demandé de revoir toutes les recommandations existantes. Il y en a plein, au moins une douzaine, qui émanent dorganismes divers : lOMS, la Société Américaine de la Douleur, la Société Canadienne, les Néo-zélandais, les Scandinaves Jai essayé de relever les points communs et les points de divergences et de faire une synthèse.
En France, le seul « truc » qui existe, cest une espèce de conférence qui avait été organisé par un rhumatologue de Limoges. Ils ont appelé ça : « les recommandations de Limoges ». Dans ces recommandations cest : pas de morphine dans les fibromyalgies. Ils ont posé cet oukase sans aucune explication dans leurs recommandations. Dans toutes celles que jai lues, il ny a pas cet oukase-là. Je pense quil faudrait quon arrive à trouver une position consensuelle. Mon expérience personnelle montre quun petit nombre de patientes fibromyalgiques, de lordre de 10%, et avec de petites doses de morphine, ont un bénéfice franc sur le long terme. Le bénéfice nest pas mesuré par rapport à lintensité de la douleur, je pense que ça na aucune signification clinique. Ce qui a une signification cest ce quelles font et ce quelles ne font pas. En fondant lévaluation sur des objectifs fonctionnels, jai un certain nombre de patients qui « fonctionnent » avec des petites doses de morphine sur trois ans, cinq ans, avec des doses de 30 mg deux fois, en commençant par moins et qui ont repris une activité professionnelle. Toutes les tentatives de diminuer la dose de morphine se sont soldées par une recrudescence de la douleur sans véritablement de syndrome de sevrage. Il semble quil y ait moins de dépendance quavec le tramadol. Il ny a pas de toxicité tissulaire connue sur le long terme avec des reculs de plus de vingt ans. Je ne vois pas pourquoi on interdirait à ceux qui ont une amélioration de bénéficier de ce traitement-là.
Le Fentanyl : Dans les associations il y a des gens qui réclament le « badge » (patch). Il y a un problème dAMM. Le « badge » a lAMM pour les douleurs cancéreuses.
Il y a deux problèmes majeurs avec le « badge ». Premièrement on ne peut moduler les doses que par paliers de 100%, passer de 25 à 50 mg cest parfois beaucoup. Souvent, pour arriver à la dose minimale efficace cest assez fin et, dun patient à lautre, ça peut varier. Parfois 30 mg cest pas assez, 60 mg cest bien trop.
Deuxièmement il y a des données pharmacologiques incontournables qui montrent que la tolérance est dautant plus précoce et dautant plus importante que le produit est plus puissant et quil est éliminé plus rapidement. Hors, le Fentanyl est un produit extrêmement puissant, 1500 fois plus puissant que la morphine et il est éliminé très rapidement. La demi-vie est de lordre de 40 minutes. Ce nest pas parce quon le met en administration continue que ça fait augmenter la demi-vie. On a pu montrer avec des dérivés du Fentanyl à demi-vie encore plus courte, de lordre de 10 minutes que quand on administre en per opératoire (ça ne peut sutiliser quen anesthésie car il y a une dépression respiratoire aussitôt), cest éliminé tellement vite quon ne peut le mettre quau pousse seringue électrique. Chez les patients qui ont eu ce produit, ils développent éventuellement une hyperalgésie et une résistance à la morphine. On sait pourquoi ; lanalgésie nest pas le fait de lopioïde, cest le couple morphine-récepteur. Ce couple peut avoir différente configuration spatiale et selon cette configuration, le couple peut avoir un effet inhibiteur cest à dire antalgique mais aussi des effets excitateurs cest à dire hyperalgésiants. Selon le produit quon utilise, la proportion de couples morphine-récepteur, qui sont en configuration inhibition ou excitation, est variable. Après une imprégnation importante avec un produit puissant et délimination rapide, ça favorise la configuration des récepteurs en position excitatrice. A ce moment-là on est devant un phénomène de tolérance aigu et, éventuellement, dhyperalgésie. Ces données pharmacocinétiques croisent, à mon avis, les données de la clinique. Personnellement quand jai vu utiliser du Fentanyl percutané pour des douleurs non cancéreuses, et même cancéreuses dailleurs, on voit très très souvent apparaître des tolérances considérables. On voit des patients qui ont deux ou trois patchs à 100 g/heure et encore ils ne sont pas bien soulagés. En plus, ça coûte très cher. On pourrait même se faire condamner par lassurance maladie, après une prescription hors AMM, à rembourser le trop perçu.
Les antiépileptiques :
Le Rivotril : aucune indication.
La Gabapentine cest lanalgésique à la mode. Cest incroyable, il a fallu douze ans, en faisant des FMC trois fois par semaine, pour convaincre les généralistes de prescrire des antiépileptiques et des antidépresseurs dans les douleurs neuropathiques et, une fois quon y est arrivé, le laboratoire sort la Gabapentine dans lépilepsie. Il pense ramasser une petite part de marché dans lépilepsie avec un médicament qui est quand même cher. Alors, on ne sait pas pourquoi, il y a eu un phénomène demballement et maintenant je narrête pas darrêter des prescriptions de Neurontin. On ne voit plus un douloureux qui na pas de Neurontin. Ils disent que ça ne marche pas, des études contrôlées ont montré que dans les douleurs neuropathiques le rapport bénéfices sur effets indésirables est à peu près le même que celui du Laroxyl, cest à dire pas terrible. Donc pas intéressant dans la fibromyalgie.
Les imipraminiques :
Dans mon expérience il n'y a pas beaucoup de fibromyalgiques qui continuent à prendre des imipraminiques. Les petites doses de Laroxyl, si ça favorise le sommeil, cest peut être pas mauvais, mais je ne suis pas sûr que dans ce cadre là il y ait un effet antalgique terrible. Si avec quinze gouttes de Laroxyl le rythme du sommeil est meilleur, quelles sont un peu mieux dans la journée et quelles nont pas la «gueule de bois » le matin, pourquoi pas.
Les IRS :
Par contre les Inhibiteurs du Recaptage de la Sérotonine, les IRS, lorsquils ont une efficacité antalgique, il y a, le plus souvent, un échappement entre trois à six mois. Ça marche pendant les deux premiers mois, si on arrête le traitement ils ne sont pas plus mal et si on augmente la dose, cest pas mieux. Les IRS ont des effets indésirables que nont pas les imipraminiques à petites doses. Il y a beaucoup de cas où ça rend insomniaque, ça majore les troubles du sommeil et ça oblige de prescrire des hypnotiques en complément ce qui nest pas souhaitable dans ce contexte là. Deuxièmement, il y a un effet secondaire très fréquent dont les patients ne nous parlent pas beaucoup, sauf quand on les interroge là-dessus : cest les troubles de la libido.
Vous rigolez mais jen ai qui mont dit quelles avaient véritablement des problèmes de couple autour de ça et simplement, en arrêtant le Deroxat cest mieux.
Le Rivotril est une benzo et comme les autres benzos elles sont contre indiquées dans la fibromyalgie. Il y a des études qui ont montré quil y avait une corrélation entre lintensité de la douleur et les troubles du sommeil. Les fibromyalgiques ont généralement un sommeil perturbé ; il peut y avoir un sommeil normal en quantité mais pas en qualité. En général il y a un défaut de sommeil lent profond et les benzos aggravent ça, cest à dire que cest inducteur du sommeil, mais cest un sommeil non réparateur. Toutes les fibromyalgiques vous diront que, quand par hasard elles passent une nuit avec un bon sommeil réparateur, elles souffrent moins le lendemain. On na pas ce problème avec le Laroxyl. Je pense quen déstructurant le sommeil avec une benzo, que ce soit avec le Rivotril ou avec le Myolastan, on ne gagne pas grand chose sur le plan de la douleur, mais on perd quelque chose sur le plan de la qualité du sommeil, donc de la fatigue. La fatigue fait aussi parti du symptôme, la fatigue cest aussi gênant que la douleur pour ces gens-là.
Les Myorelaxants :
En dehors des benzo il reste le Baclofène. Dans mon expérience, quand la douleur est associée à une hypertonie musculaire, il y a presque des myoclonies quelquefois, il peut arriver de prescrire du Baclofène pour une période courte, jamais plus dun mois et avec un objectif fonctionnel précis. Cest-à-dire en concertation avec le kiné ou avec le rééducateur, dans une optique dun petit stage de réadaptation fonctionnelle à leffort, ça peut aider un peu. Traitement dappoint court.
Les divers :
Le Salbutamol : largement utilisé par les cyclistes, cest un produit qui est puissamment vasodilatateur, qui est aussi un stimulant du muscle et qui diminue la fatigabilité musculaire à leffort. Il retarde lapparition des crampes et des douleurs musculaires à leffort. Une étude ouverte faisait état de résultats intéressants. A la suite de ça jen ai prescrit un petit peu et jai un petit nombre de patients qui sont restés assez durablement sous Salbutamol. Le problème, cest quaux doses efficaces il y a des effets secondaires. Elles ont des palpitations elles sont à cent à lheure, elles sont un peu speed. Les petites doses, sur du court terme, ça peut rendre un petit service.
La Mélatonine :
Il y a un gros dossier dans une revue parue en 98, avec cinq ou six études contrôlées double aveugle contre placebo, sur la douleur et sur la fatigue. Les résultats montrent quil y a, à lévidence, un bénéfice plus sur la sensation de fatigue que sur la douleur mais avec une action sur la douleur quand même.
La Mélatonine est un acide aminé fabriqué par lépiphyse qui joue un rôle dans la régulation des horloges biologiques. Cest très efficace pour des choses comme le « jet light », troubles liés au décalage horaire. Juste au moment où on va sendormir notre épiphyse va sécréter de la Mélatonine, cest pas la Mélatonine elle-même qui est hypnotique, mais cest laugmentation de concentration de Mélatonine qui va initier les processus dinduction du sommeil. Si on prend de la Mélatonine avant de se coucher quand on a un gros décalage horaire, on dort beaucoup mieux et on se réveille frais et dispo le matin. Aux Etats Unis ça ne coûte pas cher et on trouve ça au rayon des vitamines dans les drugstores. Cest en vente libre. Cest un produit qui n'a pas ou peu deffets secondaires ; cela fait vingt ans que cest en vente libre aux Etats Unis et la FDA (Food and Drug Administration) est quand même assez vigilante. Le fait quil ny ait pas dAMM en France est probablement lié au fait que cest un médicament très bon marché et qui est dans le domaine public. Celui qui va investir pour faire un dossier de demande dAMM va peut être avoir lAMM, mais le jour même il y aura des génériques et il ne pourra jamais amortir son dossier dAMM. Cest la raison pour laquelle la Mélatonine nest pas commercialisée en France. Cest le même problème en Europe et on n'en trouve pas. Cest très facile dans acheter sur INTERNET. Les problèmes sont, comme ce nest pas un médicament, quil est classé dans les compléments alimentaires, quil nest pas soumis au contrôle de lindustrie pharmaceutique, on ne sait pas très bien ce quon achète.
Les inhibiteursdes récepteurs NMDA, les ANTI NMDA :
Il y a quelques études contrôlées. Il y a un consensus international sur lutilité de la kétamine mais pas sur les « recettes ». Cest environ 1 mg/kg ; sur le rythme dadministration il y a des variantes. Cest une drogue qui est hyper sûre, il ny a pas de complication, ils hallucinent éventuellement un peu, mais les effets secondaires ne sont pas fonction des doses mais surtout en fonction de la rapidité dadministration. Quand on met des doses de 1 à 1,5 mg/kg sur six à huit heures il ny a aucun problème. Ils sont souvent améliorés, pas tout de suite mais trois à quatre jours après, pour des durées et pour la première administration, qui vont de deux à quatre semaines. Il y a probablement des phénomènes de désensibilisation du système nerveux central. Ça marche dans un grand pourcentage : environ 70 % daméliorations nettes et durables.
Question :
Anne Samson AMDCF :
Ladministration à long terme ?
Dr Bensignor :
Il ny a pas eu dadministration à long terme mais ça doit être sûr. Lexpérience quon a, cest avec les brûlés. La kétamine est un analgésiant très puissant et ça ne déprimait pas les réflexes, on pouvait lutiliser quand on devait les faire tremper dans une baignoire. Il y a des brûlés qui ont eu des quantités faramineuses de kétamine pendant trois mois, six mois, huit mois et il na jamais été montré deffets indésirables. Sur le très long terme on ne sait pas, mais la drogue ayant été très utilisée en anesthésie et en lutilisant en perfusion à 1,5 mg/kg et à trois semaines dintervalles, il y a vraiment pas de raison quil y ait des effets secondaires.
Ceux qui sont nettement améliorés sont améliorés de façon durable et pour une durée variable dun patient à lautre. Jen ai qui restent améliorés avec un recul de deux ans. Jen ai qui viennent en redemander avec des intervalles qui vont de trois à six mois. Jai des patients qui ont besoin dune petite injection de rappel tous les trois à six mois.
La Méthadone :
Cest un morphinique qui, en dehors des effets morphiniques, a des effets anti NMDA. La Méthadone na lAMM en France que pour le sevrage des toxicomanes et pas pour le traitement de la douleur ; il y a une demande en cours par lassistance publique de Paris (vient dêtre accordée). La Méthadone : cest la même problématique que pour la Mélatonine. Sil ny a pas dAMM cest quil ny a aucun labo qui a fait la demande parce que cest un produit bon marché et, économiquement, ça ne vaut pas le coup.
Je ne connais pas le potentiel toxicomanogène de la Méthadone, mais quitte à prescrire un opioïde, autant les mettre à la Méthadone quà la morphine, si on en a.
Le Dextrométorphane :
Il ny a pas beaucoup de données. Cest utilisé dans les pastilles Vix. Cest utilisé comme antitussif, on peut utiliser du sirop Vix.
Dans les douleurs neuropathiques, les études montrent un rapport bénéfices sur effets indésirables pas excellent. Leffet antalgique est faible.
LAmantadine :
Commercialisé comme un antiparkinsonien. Il ny a pas non plus dAMM pour la douleur. Il y a quelques données dans la littérature sur lutilisation de lAmantadine dans les douleurs neuropathiques mais pas sur les fibromyalgies. Le rapport bénéfices sur effets secondaires serait meilleur, notamment dans les douleurs neurogènes avec hyperalgésie, hyperpathie, alodinie.
Il y a gros à parier que dans les années qui viennent, on aura des inhibiteurs NMDA, autres. Actuellement il y a des travaux sur la kétamine pour essayer de substituer la molécule en essayant de garder les effets antalgiques et éliminer les effets psychogènes.
La salle : la rotation des opioïdes est-elle indiquée dans la fibromyalgie du fait quil y a diminution des récepteurs opioïdes et que tu parlais du couple opioïde-récepteur ?
Je pense quà partir du moment où on narrive plus à obtenir un bon rapport efficacité sur effets secondaires et quon voit avec une dose constante les effets secondaires qui augmentent et les effets antalgiques qui baissent, pourquoi ne pas changer dopioïde ? Mais on va vite tomber sur des problèmes dAMM, surtout au niveau trois. Les deux seuls opioïdes qui ont un intérêt aujourdhui, cest le tramadol et la morphine. Les fibromyalgiques sont des gens qui vont consommer des antalgiques sur du très long terme, plusieurs années, et il y a quand même un problème pour faire des prescriptions hors AMM avec des produits coûteux.
10. Conclusion : Comment gérer la pluridisciplinarité ?
Dr Julien Nizard - Centre dEvaluation et de traitement de la Douleur - C.H.U. de
Nantes :
Les trois points qui me paraissent essentiels dans cette journée, cest quil a été question dobjectifs, dobjectifs personnalisés évidemment. Deuxièmement, il a été assez peu question, mais je crois que cest assez intéressant quand même, dévaluation.
On a parlé dévaluation de lefficacité des stratégies. Cest évident que lon peut évaluer un patient fibromyalgique comme un patient douloureux chronique tout en ne restant pas focalisé sur la douleur. Il y a la fonction bien sûr, il y a les échelles de qualité de vie adaptées aux fibromyalgiques, il y a les troubles du sommeil, il y a la fatigue. On peut évaluer la fatigue, les troubles du sommeil, la sociabilité avec des échelles visuelles analogiques. Evidemment cest pas le « Pérou » mais là, encore une fois, on peut faire assez mieux en allant assez vite. Ce sont des échelles dauto évaluation et je me rappelle une communication dun spécialiste mondial du sommeil qui disait : « jai évalué dune façon comparative une échelle de 36 items sur le sommeil et lEVA sommeil. Pour évaluer les progrès du patient au cours du traitement, je trouve que lEVA sommeil est aussi bien. »
On se rend bien compte, après les interventions des médecins-conseils, des médecins du travail et des gens des associations, quon peut éviter une perte de temps considérable au patient et au soignant par la prise en charge pluridisciplinaire. Surtout en évitant les écueils quon connaît tous : attendre des prestations quon n'aura pas, ou perdre une énergie considérable en demandant des choses pour lesquelles on sait davance que la cause est perdue.
Utiliser, canaliser son énergie et les ressources propres pour essayer de se refabriquer un projet de vie. On a tous vu des gens qui refabriquaient une vie, même parfois meilleure quavant, parce quils avaient mis de côté la lutte et quils se sont fabriquer quelque chose parfois meilleur.
Puisquon a des associations de fibromyalgiques, jespère vraiment, cest un rêve actuellement, mais jespère quon aura un jour avec vous, un comité, une association complémentaire danciens fibromyalgiques. A titre personnel, jy crois tout à fait et je vois des gens qui, une fois passé la phase du diagnostic, prennent du champ par rapport à ça et vivent comme un migraineux, un douloureux chronique ou un lombalgique, en ayant des poussées bien sûr, mais en faisant des choses très bien par ailleurs.
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le Docteur Julien NIZARD.
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