Retour Actualités     4ème Journée du Réseau Douleur de l’Ouest

Réseau Douleur de l’Ouest     ~     REDO
Association Loi 1901
Siège social : Docteur Julien NIZARD
Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur          Service de Neurochirurgie
CHU Nord – 44093 – NANTES Cedex


Vendredi 18 octobre 2002
Salle de Conférence - CHU Nord – NANTES

Organisateur du colloque :
LE RESEAU DOULEUR DE L’OUEST

Rédacteur de ce compte rendu :
Association des Malades Douloureux Chroniques et Fibromyalgiques de Loire Atlantique (AMDCF 44)


Sommaire :

Matin

Actualités du Réseau Douleur
Actualités régionales du Réseau                                     
Dr Nizard et le bureau du REDO – Nantes

Actualités Nationales du Collège National des Médecins de la Douleur (C.N.M.D.)
Dr Bensignor – Nantes

Actualités des Comités de Lutte contre la Douleur (C.L.U.D.)
Dr Rioult – La Roche-sur-Yon

Il n'y a pas de compte-rendu pour les différents points techniques développés le matin, l'AMDCF n'ayant été conviée que l'après-midi.

Après-midi

Prise en Charge Pluridisciplinaire des Patients Fibromyalgiques
(Chaque intervention dure 10 minutes, suivie de 5 minutes de discussion)

            (Pour accéder aux diverses interventions, cliquez sur les flèches)

  1. Les patients fibromyalgiques : quelle prise en charge et quelles difficultés pour les soignants ?   Cliquez ici
    Madame Marie-Pierre Bizet, Cadre Infirmier – C.E.T.D. CHU de Nantes

  2. Aspects pharmacologiques des analgésiques, co-analgésiques et kétamine     Cliquez ici
    Dr Anne Chiffoleau – Unité de pharmacovigilance – CHU de Nantes

  3. Principales pistes physiopathologiques    Cliquez ici
    Dr Julien Nizard, Rhumatologue-Algologue  - C.E.T.D. CHU de Nantes

  4. Abord fonctionnel du patient fibromyalgique
    4-1 - Dr Jean-Michel Lanoiselée, Rééducateur Fonctionnel – Centre de Rééducation de Maubreuil – Carquefou – 44   Cliquez ici
    4-2 - Madame Valérie Girond, Kinésithérapeute libérale – Nantes    Cliquez ici

  5. Mieux prendre en charge les aspects psychologiques    Cliquez ici
    Dr Eric Bardot, Psychiatre et Thérapeute stratégique – La Roche-sur-Yon

  6. Place de la Kétamine et des techniques algologiques    Cliquez ici
    Dr Michel Meignier – Clinique Brétéché – Nantes

  7. Rôle du Médecin du Travail    Cliquez ici
    Dr Françoise Chatelier, Consultation de Pathologie Professionnelle – CHU de Nantes

  8. Quel rôle pour le Médecin Conseil dans la prise en charge ?     Cliquez ici
    Dr Lejeune – Service Médical – C.P.A.M. de Nantes (44)

  9. Prise en charge médicale – Place des antalgiques et des co-analgésiques     Cliquez ici
    Dr Maurice Bensignor – Clinique Viaud – Nantes

  10. Conclusion : Comment gérer la pluridisciplinarité ?     Cliquez ici
    Dr Julien Nizard, Rhumatologue-Algologue  - C.E.T.D. CHU de Nantes                                                                                                                        

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Prise en charge pluridisciplinaire des patients fibromyalgiques

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1.    Les patients fibromyalgiques ; Quelle prise en charge et quelles difficultés pour les soignants ?

Mme Marie-Pierre BIZET, Cadre infirmier, Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur – C.H.U. de Nantes.

Je vais vous exposer la manière dont nous prenons en charge les patients fibromyalgiques qui représentent un nombre non négligeable des patients que nous recevons au centre de la douleur. La fibromyalgie est un syndrome mal connu des soignants. Pour la plupart, nous n’en avons pas entendu parler pendant nos études et on a appris à connaître cette maladie, ce syndrome nous expliquera M. Nizard,  au contact des patients dans le cadre du centre de la douleur. On a été un petit peu surpris par cette maladie qui ne doit son diagnostic qu’à l’examen clinique ; pas de signe biologique, radiologique, pas d’examen complémentaire ; tout repose sur la clinique.

Situation pas très habituelle pour les soignants. Donc nous nous sommes formés, ensemble, au contact de l’équipe pluridisciplinaire, puis nous avons essayé de mettre en place une stratégie de soins que je vais vous exposer.

Pour nous, le premier contact est primordial : c’est lui qui va impliquer toute la suite de la prise en charge. On va permettre l’expression de la douleur. C’est une douleur multiple, diffuse, le patient a mal partout et on ne lui trouve rien. Le diagnostic de fibromyalgie a été posé. Notre rôle va être d’observer et de laisser le patient s’exprimer sur le vécu de cette douleur. On sait qu’un  fibromyalgique a un grand besoin d’attention et de reconnaissance. Pendant des années on n’a pas mis de nom sur ses problèmes de santé. Il y a là une attitude de non-jugement qui est essentielle et une bienveillance que je qualifierai d’authentique. Cela va permettre au patient de s’apercevoir que l’expression de sa souffrance est possible et que le soignant croit en la réalité de cette douleur. Pas toujours facile, on est souvent remis en cause nous-mêmes mais c’est, en tous cas, ce qu’on tente de faire.

Avec l’écoute et l’observation vient l’évaluation de la douleur. On se centre sur 2 ou 3 points : on va évaluer les points les plus douloureux ou les plus invalidants mais pas tous les points. Ceux qui perturbent le plus la vie du patient.

On va aussi évaluer : la fatigue, c’est un des signes les plus importants dans la fibromyalgie ; les performances physiques, le sommeil qui est pratiquement toujours perturbé et   toutes les répercussions psy sur l’humeur, etc…

Le patient doit trouver dans cette étape la reconnaissance de son problème. Mettre un nom sur la maladie est rassurant : on sait ce qu’on a, ça amène un soulagement, ça permet d’être reconnu. La reconnaissance est essentielle mais elle  doit être dépassée pour que le patient ne s’installe pas dans un processus qui paraîtrait définitif ; il s’installerait dans la maladie chronique, notre objectif va être tout autre. Avoir un projet « personnel » au patient. C’est la première étape.

Il faut du temps, différent d’un malade à l’autre, qui peut précéder l’hospitalisation elle-même.

La deuxième étape : c’est la détermination des objectifs que l’on va suivre avec le patient, travailler avec lui pour qu’il intègre que le syndrome dont il est atteint n’est pas une condamnation : on va pouvoir agir. Le processus dans lequel il est impliqué peut être inversé. Travail patient qui doit permettre de modifier les croyances de la personne face à sa maladie et qui demande un accompagnement, sans vouloir aller trop vite car c’est important d’aller au rythme du patient.

Les conseils de repos dont l’entourage se fait le relais, conseils souvent entendus par le patient, seront différents et feront place à une stratégie de re-dynamisation et d’amélioration des performances physiques. Ceci afin de reprendre des activités de la vie courante qui ont été abandonnées, des loisirs et, pourquoi pas, professionnelles quand c’est possible. Discours nouveau pour le patient qui va devoir changer son attitude sur la douleur et adopter une stratégie différente.

Il doit intégrer qu’aller mieux n’est pas seulement avoir moins mal ; c’est aussi améliorer sa mobilité, sa qualité de vie. Objectifs concrets choisis par le patient : il faut parfois le guider pour qu’il puisse élaborer des objectifs à ses goûts selon ses envies, ses habitudes, selon ses besoins quotidiens. C’est une fois ces objectifs déterminés que l’on va passer à la troisième étape.

La mise en œuvre des évaluations et des objectifs : c’est toute l’équipe pluridisciplinaire qui va se mobiliser autour de ces objectifs pour permettre au patient un ré-entraînement à l’effort, progressif, à son rythme, un soutien psychologique du patient et du conjoint dont la place est essentielle pour aller dans le même sens, en faire  un allier, un partenaire de soins.

Relaxation, hypnose, conseils d’hygiène de vie, réflexion sur les facteurs de stress, comment les gérer, pistes à travailler avec le patient en fonction de la connaissance qu’on peut avoir de celui-ci.

Puis, vient la mise en place des traitements médicamenteux ou non médicamenteux.

 

En résumé, le but est de permettre au patient fibromyalgique de comprendre son problème de santé, comprendre ce syndrome, avoir une attitude active face à lui, pour un projet, d’adhérer à la stratégie qu’on lui propose pour enfin retrouver une qualité de vie. Voilà la stratégie de soin.

 

Lecture d’un courrier d’une patiente, un paragraphe :

« J’ai eu le sentiment, au cours de ce séjour, que cette stratégie ressemblait à un puzzle dont il fallait assembler des morceaux trop nombreux. Même si, parfois, le sentiment de solitude se fait lourd au cours du séjour, le temps pris pour cette hospitalisation nous amène à ne pas subir le traitement. On se retrouve dans un service où la douleur n’est pas niée, le droit d’avoir mal vous est reconnu. Contribuer à la réussite de la diminution de la douleur nécessite une participation active passant par une réflexion sur soi et un programme d’objectifs réalisables. L’équipe réalise un accompagnement et vous n’êtes pas seul face à la douleur, il faut cependant admettre qu’il faut adhérer à un protocole basé sur la confiance et le temps. »

Questions de la salle :

 

- Et après l’hospitalisation ?

On donne au patient des pistes pour qu’il poursuive ce qu’il a entrepris, s’il a bien adhéré, des techniques d’hypnose, de musicothérapie,… sont poursuivies après.

Le but n’est pas de créer une dépendance, le patient doit se prendre en charge, il doit trouver les ressources à l’extérieur.

- Temps passé au centre ?

            2 fois 5 jours.

Tous les partenaires de soins de ville sont informés de ce qui s’est passé pendant l’hospitalisation et prennent le relais pour la poursuite des traitements…

 

- Nombre de fibromyalgiques suivis ?

2 ou trois par quinzaine sur 7 lits.

 

- La raison d’autant de malades?

Peut être que c’est une maladie mieux connue.

Docteur Nizard : De 15 %  il y a 4 ans à 30 % aujourd’hui. On a un biais de recrutement car on s’occupe de patients qui ont des douleurs chroniques rebelles. Les patients qui ont des douleurs aiguës vont davantage dans les cliniques qui sont des structures plus souples. C’est une des réflexions avec nos collègues du privé ; c’est de trouver la bonne structure, au bon moment, pour le bon patient. Il y a des fibromyalgiques avec des handicaps très variables ; on en hospitalise quasiment la moitié.

 

- Hommes ou Femmes ?

9 F pour 1 H.

 

- Quel est l’apport de la reconnaissance du diagnostic ?

Une fois le terme de fibromyalgie posé, cela permet de ne plus porter toute son énergie sur la recherche du diagnostic mais sur la mise en place d’un projet.

 

- Un médecin des Côtes d’Armor : « Dans les Côtes d’Armor on a une association très vigoureuse, qui organise des congrès, mais on a du mal à mettre en parallèle ce qu’on leur a dit dans leur association et ce que nous pensons. On a beaucoup de difficultés à avoir une démarche qui soit cohérente entre ceci et cela. »

 

Mme Bizet : Nous avons des associations de fibromyalgiques dans la salle et on pourra en discuter.

 

M. R. Godet, Président de l’AMDCF : Les associations de fibromyalgiques ont une importance pour regrouper les personnes. Par ailleurs, il ne faut pas qu’il y ait un  esprit hégémonique à l’égard des médecins et de l’ensemble du corps médical, ça c’est très important. Que l’on doit travailler en partenariat, c’est encore une règle qui fait force de loi dans notre association. Proposer des activités aux malades lorsqu’ils sont  sortis du milieu médical et de cette prise en charge hospitalière. Il est important qu’il y ait aussi quelque chose de ludique dans leur comportement. Je crois que c’est absolument essentiel pour qu’il y ait un plaisir de vivre avec sa douleur finalement. C’est aux associations de le faire ; je pense qu’il n’est pas question de l’exiger de la part du milieu médical ni paramédical. Chacun a un rôle mais qui doit être complémentaire, ne nous prenons pas pour ce que nous ne sommes pas, nous ne sommes pas des soignants. C’est pratiquement ce que nous, AMDCF,  voudrions faire passer comme message auprès de toutes associations. Les congrès c’est bien, mais … point.

 

- Y a-t-il des ré-hospitalisations ?

Dr Nizard : Lorsqu’une ré-hospitalisation est proposée, elle est souvent plus courte et elle permet de préciser un certain nombre de points qui ont pu ne pas être abordés ou pas bien compris lors de la première hospitalisation. C’est quelque chose qu’on aborde très souvent avec les médecins de rééducation, on peut être amené à reprendre une prise en charge ré-éducative pour travailler d’autres aspects, parce que, lors de la première prise en charge, les gens ne connaissent pas la structure, le personnel ; c’est compliqué et il y a beaucoup de chose à ingurgiter au point de vue médicament, psychologique ou de la réinsertion. On a constaté que de les reprendre quelques mois plus tard ça peut être utile, mais je crois qu’il n’y a pas de règle.

 

Je reviens sur la question du diagnostic. A partir du moment où on a posé un diagnostic, on peut essayer de prendre du champ, prendre de la liberté par rapport à ça, être aidé aussi bien par les soignants que par les associations tout en ne consacrant pas l’essentiel de sa vie à la maladie et aux activités autour de la maladie. Est-ce qu' on ne peut pas faire des choses avec des associations de musique, sportive..., autre chose de la vie en dehors de la maladie comme on le ferait avec quelqu’un qui aurait n’importe quelle maladie.

 

- Quel est le pourcentage de reprise d’activités professionnelles?

Dr Nizard : Cela dépend de la durée d’arrêt de travail initial, des circonstances de survenues. Les critères, dont on sait qu’ils peuvent allonger la durée et la difficulté de réinsertion, c’est le contentieux, et c’est parfaitement valable pour les lombalgiques. L’accident de travail initial, la durée d’arrêt de travail initial conditionnent fortement les possibilités de reprise.

Les chiffres proposés par la CNAM sont les mêmes que ceux des américains ou des canadiens Pour les lombalgiques, si on arrête plus d’un an, on a à peine 20 % de chance d’une reprise d’activité ; plus de 2 ans, c’est 10 %. Les chiffres qui sont disponibles le sont plus pour les lombalgiques. On a fait une étude, l’année dernière, sur des gens qui avaient en moyenne treize mois d’arrêt de travail ; on avait autour de 50 % de réinsertion en un an. Mais tout dépend du groupe, s’il est peu ou très invalidé. Si on prend des gens qui ont une durée d’arrêt de travail très longue avant la prise en charge, vous avez des chances de succès beaucoup plus faibles. D’où l’importance extrême de travailler avec des médecins du travail et des médecins conseils et, rapidement, poser la question de la reprise et dans quelles conditions.

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2.   Aspects pharmacologiques des analgésiques, co-analgésiques et kétamine :

Dr Anne CHIFFOLEAU – Unité de pharmacovigilance C.H.U. de Nantes

 

Pour nous la fibromyalgie n’est pas si nouvelle car les pharmacologues travaillent sur la douleur et nous nous intéressons beaucoup aux récepteurs.

La fibromyalgie est liée à des anomalies sur le système de transmissions de la douleur.

Les questions qui se posent sont sur les syndromes associés : sont-ils la cause de la douleur ou sont-ils la conséquence de cette douleur ?

On assiste souvent à des escalades thérapeutiques, des associations médicamenteuses qui peuvent quelquefois devenir dangereuses et on peut se poser la question du risque des effets indésirables. Il y a quelques parutions qui font état de l’augmentation de ces effets chez le patient fibromyalgique.

Un certain nombre de récepteurs ont été identifiés au niveau des systèmes de transmissions de la douleur et, qui dit récepteur dit point d’impact pour les médicaments.

 

On aperçoit, au niveau de la corne dorsale de la moelle, une fibre afférente, donc un neurone, qui vient de la périphérie et un neurone convergent (neurone qui monte). Il y a, à ce niveau, énormément de récepteurs, ce sont à la fois des récepteurs aux opiacés comme le récepteur µ, des récepteurs à la sérotonine comme le récepteur 5HT, au gaba ce sont plutôt des récepteurs à la benzodiazépine, et des récepteurs à l’adrénaline, noradrénaline. Le neurone sécrète un certain nombre de substances comme la glutamine (les glutamates) qui vont agir sur des récepteurs qui nous intéressent  au premier chef actuellement. C’est le récepteur NméthylDaspartane qui nous intéressera tout particulièrement et les récepteurs NK1 puisque ce sont ceux qui récupèrent la substance P qui est une substance Pain donc une substance de la douleur.

 

Les médicaments :

Le Paracétamol, les AINS, des associations avec des codéïnés, dérivés de premier palier :

 

- Les AINS à réserver aux douleurs inflammatoires.

- Le paracétamol : son mode d’action pose problème, on parle beaucoup du NO comme mode d’action intermédiaire. Le problème est essentiellement l’automédication : vous savez que beaucoup de ces médicaments sont en vente libre et on peut se retrouver avec des doses énormes et un risque hépatique qui n’est pas négligeable, par exemple.

- Les corticoïdes ne sont pas utiles et on s’est aperçu qu’un certain nombre de patients avaient déjà beaucoup de cortisol.

 

- Les analgésiques opiacés :

Ils sont utilisés également puisqu’ils agissent sur les récepteurs µ delta, capa. Le facteur NMDA est aussi pris en compte.

Des réticences : ce sont des stupéfiants avec tout ce que ça comporte de  problème de prescription, dispensation ; des patients qui ont du mal à les avoir. 

Des effets indésirables, la constipation au premier chef. La question qui se pose est : « Est-ce que je ne vais pas rendre mon patient dépendant, est-ce que je ne vais pas rendre mon patient addicte ? » En pharmaco on fait la différence entre l’addiction et la dépendance. La dépendance est que, lorsque vous arrêtez, vous avez un syndrome  de sevrage.  Dans l’addiction : le malade va essayer d’en récupérer et va en redemander.

 

Le sevrage peut être aisément géré mais l’addiction c’est un peu plus difficile. Des publications disent que chez le patient douloureux, pas obligatoirement fibromyalgique, il y a moins de 1 % de patients qui deviennent addictes.

 

Autres problèmes, ce sont les effets mnésiques de ces produits et surtout la nouvelle loi sur la conduite automobile.

 

- Le Tramadol, le topalgic et ses génériques : ce médicament a un certain potentiel d’action sur les récepteurs  aux opiacés surtout par son métabolite principal, mais c’est essentiellement un médicament qui agit sur le recaptage des amines. Il inhibe le recaptage des amines par certains neurones, donc il augmente la quantité  de transmetteurs au niveau de la synapse. Il agit un peu comme certains antidépresseurs. Il peut être très efficace, mais il a un métabolisme complexe qui fait intervenir  l’usine à médicaments du foie, le système des cytochromes, et on n’est pas à l’abri d’interactions médicamenteuses par exemple avec les AVK.

Il faut se méfier un petit peu chez certains patients.

 

- Les antidépresseurs : Il y a eu des essais cliniques dans plein de douleurs dont la fibromyalgie.

Les plus efficaces sont les imipraminiques, vous savez qu’un seul à l’AMM en France c’est le Laroxyl, les autres non. Ils se valent dans les essais. L’action sur les signes dépressifs est meilleure que l’action sur la douleur. L’action sur la douleur s’épuise et on peut trouver ces médicaments en association à d’autres thérapeutiques.

- Les inhibiteurs du recaptage de la sérotonine sont trop sélectifs pour avoir une efficacité puisqu’ils ciblent un seul type de transmetteurs. Plus intéressant sont les non sélectifs.

- Les IMAO ont été essayés mais il faut faire attention avec ces produits là.

 

Pour les perspectives d’avenirs ce sont les médicaments qui agiraient sur les récepteurs 5HT3. On les connaît dans la prise en charge des vomissements. Ils sont assez prometteurs avec des petites doses : 5mg pour le Tropicetron pendant une dizaine de jours ; il y a à peu près 40 % de personnes qui répondent positivement à ce traitement ; il est utile et intéressant, sans trop d’effets indésirables pendant ces dix jours. L’effet peut se prolonger 3 semaines à peu près. A un mois de traitement on s’aperçoit que près de 60 % de personnes vont répondre correctement avec au moins une diminution d’au moins 30 % de leur douleur ; mais 63 % de ces personnes ont coché la case effets indésirables : céphalées, constipation.

 

- Autres types de médicaments :

Les antagonistes des récepteurs NK1 qui vont bloquer la possibilité d’action de la substance P. Ces produits sont à l’étude : il y a plusieurs molécules qui sont étudiées mais il n’y en a pas qui le sont dans le traitement de la fibromyalgie.

 

Il faut savoir que pour faire des études de ce type il faut des groupes de patients et des groupes témoins, ça demande beaucoup de recrutement pour un industriel pour poser une AMM, c’est un peu compliqué.

 

- Les anti-épileptiques :

Usage qui dépend de leur action sur de nombreux récepteurs, mais tous ces produits sont au moins inducteurs des cytochromes en particulier celui par lequel passent de nombreux médicaments, et toute association peut poser problème de surdosage voire de sous dosage de produit qui rend ces antiépileptiques pas intéressants.

 

- La Kétamine :

Anesthésique des années 60 à 70. Mais les gens hallucinaient et il a un effet stimulant sur le muscle cardiaque.

On peut la donner par n’importe quelle voie, en sachant que la voie orale n’est pas la voie habituelle ; on a beaucoup de perte, seul un tiers du produit est alors efficace. Là encore il passe par les cytochromes et il peut y avoir des interactions médicamenteuses.

Le récepteur  NMDA est bloqué par la kétamine d’une façon très intéressante.

Les opiacés pourraient avoir un effet booster de l’action de la kétamine.

Les études n’ont pas permis à la kétamine d’avoir une AMM bien claire, en particulier dans le domaine de la fibromyalgie.

 

Conclusion : la pharmacologie commence à avoir une meilleure connaissance de la pathologie donc des cibles possibles et donc une meilleure connaissance des mécanismes d’action des médicaments.

 

Questions :

 

- Effet du cannabis sur la fibromyalgie et les effets placebo ?

Il y a toujours un effet placebo

Le cannabis n’est toujours pas un médicament mais il agit sur les récepteurs, pas de publication sur le sujet en pharmaco.

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3.   Principales pistes physiopathologiques :

Dr Julien Nizard, Rhumatologue – Algologue
Centre d’Evaluation et de Traitement de la Douleur – C.H.U. de Nantes

 

15 % des consultations douleur et de rhumatologie dans les publications ; 2% de la population en générale toutes ethnies confondues : il   y a des fibromyalgies  chez les Esquimaux, chez les noirs d’Afrique de l’Est, il y en a partout. Essentiellement féminine, 8 à 9  femmes pour 10. Atteinte du sujet âgé exceptionnelle ; il est vrai qu’il y a très peu de publication, à ma connaissance, chez le sujet âgé. A la consultation douleur et sujet âgé qu’on anime, on n'a jamais vu un fibromyalgique primitif encore   douloureux pour ce seul motif, on voit encore un certain nombre de fibromyalgies secondaires, c’est à dire avec  des cervicalgies et des lombalgies qui ensuite se dégradent.

La composante familiale est intéressante, on pense qu’elle est plus familiale que génétique. On pense au caractère rebelle qui explique la quête médicale assez souvent constatée, les conséquences psychosociales importantes, d’où l’intérêt de travailler avec les médecins-conseils et médecins du travail et, surtout, c’est un fourre-tout nosologique. C’est la raison pour laquelle on a de plus en plus tendance à parler de syndrome fibromyalgique. Tous les cliniciens s’entendent à penser que dans ce cadre là on trouve des gens qui ont des maladies très différentes. Cela me fait penser à la polyarthrite scapulo-humérale du siècle dernier jusqu’au moment où on a démembré cette poly…et on s’est rendu compte que c’était des maladies qui n’avaient rien à voir ni au plan diagnostic ni au plan pronostic ni au plan du traitement. Il faut certainement trouver des sous-populations de fibromyalgiques qui bénéficieront d’une prise en charge particulière.

 

Le diagnostic :

 

Les critères actuels sont uniquement cliniques : une histoire douloureuse qui dure depuis plus de 3 mois et 11 points douloureux sur 18 chez un sujet donné fixes chez ces sujets là. Avec ça on peut trouver des tas de maladies. Cela se passe surtout au niveau des ceintures : 10 points douloureux cervico-scapulaires, 4 lombo-fessiers.
Il y a de multiples hypothèses et des sous-groupes de patients pour lesquels, probablement, dans les prochaines années, on les repèrera mieux

 

Questions :

Une question sur les sportifs de haut niveau.

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4.   Abord fonctionnel du patient fibromyalgique :

       4 - 1.   Dr Jean Michel LANOISELEE, Rééducateur Fonctionnel
                   Centre de rééducation de Maubreuil – Carquefou 44

 

Un sportif qui cesse brutalement son activité va développer des douleurs, des douleurs de déconditionnement, qui risquent de se pérenniser s’il ne retrouve pas un bon ré-entraînement et un bon dosage.

 

La fibromyalgie, pour nous rééducateurs, a posé un problème qui était de savoir comment nous pouvions nous situer face à ce symptôme puisque nous travaillons sur une classification des handicaps qui, au stade 1, correspond à une déficience c’est-à-dire à une conséquence directe d’une lésion. Là, nous sommes dans un cas où nous n’avons pas de lésion bien précise. Cependant, quand on parle de déficience on fait référence à l’examen que l’on fait, en tant que rééducateurs, et que font les kinés. C’est la recherche d’anomalie de la respiration, de contractures musculaires. Dès ce stade, on peut entrer dans une démarche de ré-éducation, démarche un peu hors protocole et un peu à la demande.

 

Le deuxième stade, c’est l’incapacité, c’est à dire les conséquences fonctionnelles de la lésion, en résumé c’est donc douleur, fatigue et trouble du sommeil.

La douleur, que nous avons appris à prendre en charge, et les douloureux, dont la grande majorité sont des lombalgiques, nous ont fait comprendre que le mouvement était un traitement de la douleur indispensable. On prend aussi en charge les algodystrophies et on a compris que d’immobiliser une algodystrophie c’était une erreur.

Quant à la fatigue, cela nous évoque le déconditionnement à l’effort, c’est vraiment la tarte à la crème en terme de rééducation. On se pose, à juste titre, la question de savoir s’il faut reconditionner à l’effort tous les handicaps.

Le trouble du sommeil on s’en occupe guère.

 

Le troisième stade, c’est le désavantage, c’est-à-dire les conséquences transversales de la douleur. On sait que cela relève d’une prise en charge pluridisciplinaire où, manifestement, le rééducateur a sa place.

Le problème du déconditionnement à l’effort est la perte de capacité à l’effort avec les pertes de performance d’effort aérobie, la perte des possibilités d’endurance et la perte des forces musculaires, avec des conséquences physiopathologiques, conséquences vasculaires et musculaires. Une des premières causes de ce déconditionnement à l’effort est l’accident cardiaque ; la rééducation cardiaque est un reconditionnement à l’effort adapté. Il est retrouvé dans la lombalgie de manière à peu près constante et il a été mis en évidence dans le diabète, dans les bronchites chroniques et on le retrouve chez les sportifs, après l'arrêt d’activité. Trois semaines d’arrêt égal trois mois de récupération à peu près, c’est quelque chose de connu.

Alors, existe-t-il un déconditionnement dans la  fibromyalgie ?

La manière simple de mesurer un déconditionnement est la VO2 max. : c’est la capacité d’effort aérobie. Toutes les études retrouvent une anomalie, un certain chiffre de déconditionnement.

Il faut organiser la rééducation du fibromyalgique. Sur la douleur à court terme on va agir sur les déficiences. Le massage, la chaleur, le froid sont recommandés….

Sur la douleur à long terme c’est le reconditionnement à l’effort mais, ne pas faire un reconditionnement de haut niveau mais selon les stages de reconditionnement à l’effort des lombalgiques, type restauration fonctionnelle. C’est-à-dire, 5 ou 6 heures par jour sur 5 jours et pendant 3 semaines.

Il ne faut pas mettre tout le monde au même niveau ; il faut partir avec des objectifs précis, arriver à un dosage avec le malade et organiser ce reconditionnement.

Tout le problème est la stratégie à avoir : mon objectif est de faire sortir le malade du soin, alors … en combien de temps ... ? Je ne sais pas, ce sera peut-être avec une hospitalisation ou 2, mais ce que je lui propose c’est qu’un jour il sorte du soin.

L’autre objectif c’est qu’il ait une activité physique, plutôt d’endurance, régulière, c’est pratiquement de la bonne hygiène de vie. On demande deux à trois heures d’endurance par semaine. C’est un minimum, on peut faire plus.

A partir de là je donne un avis rééducatif et je peux lui dire : « vous avez organisé vos activités de manière tout à fait correcte, vous êtes actuellement pris en charge par un kiné et vous menez à bien votre activité physique ; continuez comme ça et on se reverra en consultation dans quelques temps. » C’est quand même vrai pour un certain nombre de malades.

Pour d’autres je les adresse en kiné libérale où on va faire le même travail, un travail sur les déficiences, et encourager à une activité physique. Dans certains cas il va falloir repartir sur du multi disciplinaire + lourd, + large, ou vers le centre. Certaines fois on entre en centre de rééducation, soit en hospitalisation, soit en hôpital de jour, mais avec deux éléments importants dans l’ensemble de rééducation : la piscine, ça permet de faire des efforts, ça peut être transposé hors soin puisqu’on peut aller après à la piscine municipale, et un ré-entraînement contrôlé.

Le troisième élément c’est l’ergothérapie. On peut réapprendre de la gestuelle pour éviter de se faire mal sur des gestes. Il s’agit d’une ergothérapie différente de ce qu’on fait en neurologie ou sur la Polyarthrite Rhumatoïde, puisque là, la lésion est difficile et on fait à la demande. Après, on repart vers le libéral et l’effort. Tout le problème est de choisir un objectif précis avec le malade.

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4 - 2.    Ce que l’on peut voir en kinésithérapie sur les fibromyalgies :

                      Madame Valérie GIROND, Kinésithérapeute libéral – Nantes

La première séance est importante : le patient est complètement déconditionné physiquement avec la peur de l’effort, de faire des exercices ; il ne comprend pas sa pathologie, il nous pose énormément de questions, il est mal compris par son entourage familial et professionnel ; il recherche des explications un soutien et un allié dans les soins.

Notre rôle sera une prise en charge globale. Redynamiser le patient, le reconditionner et le stimuler aussi psychologiquement, sinon il ne ferait pas grand chose de ses journées.

La prescription vient du centre anti-douleur ou du centre de rééducation. Soit on intervient en deuxième, après le centre de rééducation, ou en premier, après la prise en charge du centre anti-douleur.

Il y a complémentarité entre le centre de rééducation fonctionnelle et la kiné libérale.

En général nous voyons les patients deux à trois fois par semaine sur une séance de ¾ d’H à 2 H 30 en fonction de ce que l’on propose.

 

Objectifs de la kiné libérale en première intention :

- L’ébauche du reconditionnement

- Motiver le patient pour sa prise en charge au centre de rééducation.

En deuxième intention :

- Prolonger les résultats obtenus

- Convaincre de continuer le sport à l’extérieur : piscine, vélo, gym ou relaxation par exemple.

On a besoin d’une forte motivation du patient, sinon c’est l’échec.

 

Techniques proposées :

- D’abord le bilan du patient :

Le diagnostic kinésithérapique : c’est une fibromyalgie avec des douleurs diffuses, une raideur générale, une grande fatigue, des troubles de la sensibilité, avec une hyperesthésie générale, des troubles du sommeil, une intolérance aux exercices et à la marche.

 

- Les objectifs, c’est d’abord la sédation de la douleur, la restauration des amplitudes analytiques et globales, surtout du rachis ; un renforcement musculaire, des assouplissements et une hygiène de vie. Donner des conseils par rapport au sommeil, à la vie de famille et au travail.

 

Le protocole de rééducation. Il peut se faire à sec et en piscine :

- A sec, il y a le massage, antalgique, circulatoire. Les massages superficiels pour redonner des sensations à la peau. Les massages défibrosants, type palpé-roulé. L’utilisation de TENS qui sont bien perçus par le patient. L’application de la chaleur, mobilisation analytique, soit en fonction des douleurs soit avec intervention des médecins de rééducation.

Le travail de la respiration par la relaxation ou alors, plus loin, la sophrologie.

 

        Protocole de reconditionnement progressif à l’effort:

C’est un travail musculaire qui se fait quand la douleur a déjà bien été acceptée.

Du vélo, de la presse, faire travailler les abdominaux, les dorsaux avec des machines de remusculation ou des exercices gymniques.

Des étirements, la proprioception sur des plateaux de rééducation ou sur des gros ballons. Ensuite l’apprentissage d’auto rééducation à faire chez eux, exercices simples, à faire dans la journée, par dix minutes.

 

- En piscine, il est possible de faire des mouvements que les patients n’ont plus l’habitude de faire. De la marche, des assouplissements, des massages au jet, du travail de la sangle abdominale, des dorsaux, et une détente générale.

Il faut y aller progressivement, mais ce n’est pas barboter dans l’eau sans jamais voir le kiné.
                                                                                                                                                                    Sommaire

 



5.   Mieux prendre en charge les aspects psychologiques :

       
        Dr Eric BARDOT , Psychiatre et Thérapeute stratégique – La Roche sur Yon

 

La douleur peut se décliner comme une sensation, une perception, comme une émotion du vécu, comme un comportement, une gêne, et comme une cognition c’est-à-dire une pensée, une représentation.

L’hypnose négative, c’est une métaphore, c’est-à-dire que la personne va se focaliser sur la douleur, elle va amplifier un certain nombre de choses qui sont le rétrécissement de l’espace, l’hyperesthésie, c’est-à-dire l’amplification des sensations corporelles, l’hypermnésie, c’est-à-dire l’accentuation de la mémoire et la distorsion du temps.

Ma façon de voir les choses est utilitaire et à partir de ce que m’ont appris les fibromyalgiques et les douloureux chroniques. Elle n'a pas de valeur théorique mais plutôt opératoire.

Je pars de la détresse : elle peut se décliner en un certain nombre d’expressions émotionnelles, elle peut s’exprimer comme la douleur physique, par la fatigue, par la colère, par la douleur morale et elle peut s’exprimer par le stress. L’important dans le cadre  des patients  fibromyalgiques, s’ils s’expriment par la douleur physique, ça veut dire qu’ils ne veulent pas entendre parler dans un premier temps d’autres formes d’expression et, ce qui me frappe, c’est que, même s’ils sont fatigués, le lien n’est pas forcément fait entre les deux, même s’il y a des antécédents de dépression, ça arrive dans 2/3 des cas, le lien entre le vécu douloureux chronique et la dépression n’est pas forcément fait. Même s’il y a des situations de stress post traumatique c’est à dire des situations après des accidents ou des pathologies de type violences…le lien n’est pas forcément fait.

On peut remettre ça dans une trajectoire qu’à partir du moment où on a accepté la douleur physique. C’est ça la porte d’entrée.

 

Les consultations :

 

Neuf femmes sur dix patients.

Je commence par créer l’alliance, écoute active et soutenue. Sa fonction est de protéger de rassurer et sécuriser.  Centrer sur le langage du patient, sur le corps et sur la douleur. A travers ça, quelle écoute il y a eu jusqu’à maintenant par le corps médical, par le corps social, par le corps professionnel et quelle écoute du patient lui-même de son propre corps ?

L’objectif va être de « passer » le diagnostic de fibromyalgie. Au début je me disais : « allez, on a mis un diagnostic », mais en fait : on enferme les gens dans un diagnostic et c’est une catastrophe.

Maintenant cela ne me pose pas de problème ; je mets le diagnostic de côté, c’est-à-dire : « bon vous êtes fibromyalgique, et maintenant ? » Il est probable que ce diagnostic a sa valeur et que ça nécessite de pouvoir l’accepter.

Observer, observer et repérer.

Du côté de l’environnement : ce qui a été entendu et ce qui ne l’a pas été, ce qui est efficace et ce qui ne l’est pas.

Du côté du patient : repérer les exceptions en terme de comportement, d’action : entre autre, la situation où la douleur est moindre, les ressources : ce qui est sain, les ressources actuelles, les ressources passées : souvenirs, situations dans lesquelles le mode de vécu a été positif pour le patient.

Ensuite, les événements de vie, les situations déclenchantes, les éléments de vie négatifs : traumatisme physique, psychologique, dépression, stress, fatigue, trouble du sommeil, et les événements de vie positifs : les situations de récupération et les situations de réussite.

Plus délicat : les croyances sur lesquelles repose la vision du monde du patient.

Avec une patiente, je fais de l’hypnose. L’induction très bien, la patiente se relâche et puis, tout d’un coup, apparaissent des douleurs terribles, elle se tord dans le fauteuil, c’était vraiment terrifiant et, à la sortie de la séance, je dis : «  c’est horrible ce qui vous arrive », elle répond : « oui, j’ai un peu mal ». Entre les séances elle dit qu'elle va de mieux en mieux et à chaque séance c’est le même scénario. Ce qu’elle m’a dit, ça, ça fait partie des croyances et vous allez comprendre pourquoi le lâcher prise était impossible chez elle. Je constate, chez un certain nombre de patientes fibromyalgiques, que c’est une pathologie de la puissance et c’est pour ça qu’il ne faut pas leur parler de dépression, c’est aussi pour ça qu’il ne faut pas leur parler de ce qui ne va pas. C’est-à-dire que c’est leur corps qui les trahit, elles sont dans un processus de relation où elles doivent être fortes, processus guerrier où il y a la perfection, la reconnaissance, une fonction de survie ; c’est vital, c’est comme ça qu’elles vont être reconnues.

Dans un premier temps, parler de problèmes psychologiques ou autres est une disqualification. C’est le corps qui trahit et qui les empêche de continuer à être dans ce mode de fonctionnement sur lequel repose une bonne partie de leur existence. C’est une pathologie de la puissance qui repose sur l’utopie d’un monde sans problème.

Ce qui est intéressant c’est qu’on se rend compte qu’un certain nombre de patientes, avant la fibromyalgie, sont bien adaptées. Elles en font parfois plus et, quelque part, ça devient inacceptable, que tout d’un coup la douleur effondre comme si la douleur était repérée bien avant et qu’effectivement, à partir du moment où il y a un événement de vie, la ménopause, un accident, qui vient effondrer ce système-là, à partir de là c’est comme si c’était une guerrière qui était au front et qui, tout d’un coup, est blessée et ne peut plus aller au combat. Comme elle ne peut plus aller au combat et que c’est son existence propre qui est en jeu, c’est sa raison de vivre ; à partir de ce moment là, la chose qu’elle va demander en premier : c’est une reconnaissance. Le diagnostic de fibromyalgie, c’est un peu la médaille, et c’est pour ça qu’il faut avoir une reconnaissance de la victime d’abord, avant de pouvoir traiter dans un deuxième temps. Traiter une modification des représentations qui permettent d’accepter de s’occuper de soi.

Les dangers de l’amélioration sont tant sur le plan familial que professionnel et social.

Exemples : Une patiente qui a repris le travail. Que s’est-il passé ? Elle avait une représentation, dans son travail, de la femme qui obéit, qui se soumet à sa chef, qui fait plus de travail que les autres. Elle arrive en mi-temps thérapeutique ; elle ne peut plus faire la même chose, et comme elle a tendance à prendre conscience des choses, elle commence à se rebeller. Que se passe –t-il ? Elle est disqualifiée par sa chef, par ses collègues, par son environnement professionnel qui commence à la traiter de « tire au flanc ».

C’est très important.

Troisième étape, c’est reconnaître :

C’est reconnaître la détresse, c’est reconnaître l’inconfort. C’est reconnaître que, d’une certaine façon, elles sont victimes du devoir et que c’est le corps qui trahit. C’est reconnaître aussi le courage, c’est une dimension essentielle ; c’est le courage de devoir être dans l’agir et de devoir aller de l’avant et d’être. Donc, c’est reconnaître la vision du monde et les croyances sur lesquelles ça repose.

Recadrer la douleur comme une ressource, c’est-à-dire que c’est le signal d’alarme qui dit que le corps est en détresse. Quand le recadrage de la douleur comme une ressource va être opérant, on va pouvoir travailler sur la réappropriation du corps.  Réassocier le patient avec son corps au niveau du vécu perceptif, centrer sur la douleur, en utilisant les ressources, y compris les ressources sensorielles. C’est intervenir sur des choses très élémentaires : avec le vécu émotionnel, ça va être le travail en lien avec la douleur et la fatigue. Quelque chose de très important aussi, c’est la non-acceptation du vécu de colère et des situations de stress. Au niveau des représentations, c’est le travail au niveau des croyances. En complémentarité avec la kinésithérapie où le travail de l’eau est important, car l’eau est en résistance, c’est-à-dire que ça ne vient pas de la personne propre, c’est l’agent extérieur qui vient faire pression sur le corps. Thérapie brève, NMDR, etc.…

Re-contextualiser le patient dans sa relation au niveau familial, professionnel, social. Dans le traitement c’est évidemment au niveau de ce que la personne en attend.

C’est définir l’objectif minimal qui va amener le patient dans une écoute attentive de ses besoins, pour qu’il aille de mieux en mieux, en terme d’autonomie, dans sa capacité à prendre soin de lui.

 

Questions de la salle :

 

Pourriez-vous, en quelques mots, définir le NMDR?

C’est une technique qui vient des Etats Unis. Le principe est le suivant :

C’est très efficace sur le syndrome post traumatique et sur la douleur. On demande à la personne de se focaliser sur la douleur et on demande à sa mémoire de retrouver un souvenir où son corps a déjà vécu la même chose. Sur ce souvenir, quand c’est un souvenir de traumatisme psychologique qui peut être un accident, un acte de violence, ... on va demander à la personne, aujourd’hui, quelles sont les cognitions, disons les pensées négatives, qu’elle a quand elle se remémore cette situation-là. Puis on va lui demander quelles sont les pensées qu’elle préfère mettre à la place ; puis on la connecte sur son vécu sensoriel et, à partir de là, on fait des mouvements oculaires ou d’autres techniques qui amènent le cerveau à retraiter l’information. En fait c’est comme si, à ce moment là, le cerveau restait fixé sur la mémoire traumatique, sur l’événement traumatique et ne pouvait plus bouger. Voilà en gros ce que c’est.

 

Dans cette pathologie de la puissance, faut-il leur dire qu’ils ne pourront pas faire plus tard ce qu’ils faisaient avant ?

Oui, mais pas tout de suite.

Il vaut mieux ne pas dire ça comme ça. Il vaut mieux dire : qu’est-ce que vous allez pouvoir faire maintenant ? de différent ?

 

L’existence de conjoint fibromyalgique ? 

Certainement, mais la douleur s’exprime autrement. Ils ont d’autres moyens d’expression. Ce qui me semble important dans la fibromyalgie c’est que c’est en résonance avec la famille nucléaire qu’a commencé, c’est-à-dire, je crois et ça n’engage que moi, que par rapport à ce qu’on constate, on est dans une situation où la famille nucléaire envoie des messages qui sont transgénérationnels ; c’est un « tais-toi et marche » en quelque sorte mais ce n’est pas un simple « tais-toi et marche », c’est un « tais-toi et marche » qui est en position de survie. C’est « marche ou crève ». Si on va trop vite dans le fait de les mettre en position de détente ou de relâchement, on a des risques, qui ont été décrits, de dépression ; parce qu’on les met en situation d’impuissance ; en d’autres termes, on vient attaquer le système de croyance sans avoir mis d’alternative à la place.

 

M. R. Godet, AMDCF : Je voudrais dire, en temps que représentant d’association, nous qui sommes à l’écoute de pas mal de malades, on partage totalement votre hypothèse, qui n’est soit disant que la vôtre, puisqu’on organise des groupes de paroles. On se trouve confronté à ce syndrome de puissance puisqu’on est face à des gens qui sont totalement bloqués, qui refusent de rentrer dans un débat ; ils sont totalement figés et ils refusent une prise en charge psychothérapeutique dans  tous les cas.

 

Tout à fait et je vous remercie parce que je peux dire que ce sont les fibromyalgiques qui m’ont appris cela, à parler comme ça, parce que ça ils peuvent l’entendre. Effectivement, et c’est pour ça que c’est difficile de les amener à une prise en charge psychologique dans un premier temps. Parce que la prise en charge psychologique c’est une disqualification ; ce n’est pas la tête qui ne va pas, la tête fonctionne bien ; ils ont un projet de vie. Le projet de vie est dans le fait qu’il faut marcher. C’est le corps qui ne fonctionne pas, c’est le corps qui trahit donc, qu’est-ce qui est demandé ? « Faites en sorte de remettre mon corps en état pour que je puisse continuer. »

L’approche psychologique ne peut intervenir qu’à partir du moment où on a déjà commencé à recadrer les choses.

 

Est-ce que vous avez vu des enfants fibromyalgiques ?

Je n’ai pas vu d’enfants dits fibromyalgiques, mais des enfants douloureux chroniques ; mais on trouve des choses un peu comparables.

 

Avez-vous l’expérience de prise en charge des fibromyalgiques par des psychomotriciens ?

         Je n’ai pas cette expérience, mais je pense qu’ils peuvent avoir leur mot à dire ; je crois aussi, comme quand on parlait des kinés
         tout à l’heure, que les kinés finissent par avoir un travail de psychomotricité chez les fibromyalgiques.

 

Comment expliquer qu’on a tant de mal à leur refaire faire des efforts, alors que c’est la puissance qui…

Parce que le jour où vous tombez au combat, c’est complètement humiliant. Ça veut dire que c’est votre vision du monde qui s’effondre, ça veut dire que tant que vous n’avez pas d’alternative, c’est aussi vrai pour tous les dépressifs…

 

        On leur donne la possibilité de le faire et ils…

Sauf que là on se confronte à des choses qui viennent de loin, à des choses d’ordre transgénérationnel très souvent. Je ne dis pas que c’est toujours le cas mais que ça c’est des messages qui sont extrêmement puissants ; je veux dire que c’est  à peu près comme un indien dans la ville : il arrive dans une ville tempérée, il a des problèmes pour s’adapter.

 

Dr Nizard : Je serais quand même tenté de parler de ceux qui vont franchement mieux. Il y en a. Ce qu’ils nous racontent, c’est exactement ce que tu dis : il y a eu une espèce de sidération, il y a eu un accident, il y a eu cet effet boule de neige, ça c’est décompensé. Un certain nombre arrive à se refabriquer quelque chose de totalement différent qui marche bien. On constate qu’ils changent de métier, qu’ils prennent du temps pour eux, qu’ils font des choses différemment. Ceux qui nous écrivent pour nous dire « ça y est, j’ai compris », sont des gens plus apaisés et qui disent: « je me suis battu pendant x années et je me suis repositionné différemment ».

 

Dr Bardot : On comprend pourquoi ça a une telle résonance sociale ; la société pousse dans ce système, pousse dans la puissance elle pousse dans le fait de l’agir….

 

Anne Samson, AMDCF : Est-ce que vous pourriez préciser  ce que vous mettez derrière "recadrez la douleur comme une ressource" ?

C’est le temps qui me semble essentiel. Je pense que lorsque le patient a compris que la douleur peut être aussi une ressource, il y a quelque chose qui change. Quand je dis « recadrer la douleur comme une ressource », j’utilise une métaphore, c’est-à-dire qu’on peut être très bien chez soi et faire des tas de choses. Mais s’il y a le feu, il y a le signal d’alarme qui s’allume, et on peut avoir deux attitudes différentes : on peut entendre le signal et on peut avoir les réponses adaptées pour éteindre le feu ; mais on peut ne pas entendre le signal d’alarme et à ce moment là, le feu va continuer à se propager. Là où est la différence c’est que, quand la douleur se répète, on rentre dans un processus de tensions corporelles de douleur. Ce n’est pas par hasard que ça atteint plutôt les points au niveau des articulations, c’est le mouvement qui est atteint ; c’est pas n’importe quel endroit, donc là aussi c’est l’action, c’est là que le corps dit : « l’action, ras le bol, ça souffre !!! » Plus ils sont dans le déni de leur douleur pendant un certain temps, plus la mémoire enregistre et on arrive à des seuils douloureux d’hyperesthésie où on constate des dysfonctionnements. Il est probable, et on a des cas où c’est soit ça, soit, quand on a des pathologies traumatiques, ça réactive et amplifie la douleur et l’entretient. De toutes façons, on est dans le dysfonctionnement douloureux. Donc la douleur n’est pas acceptée comme un signal d’alarme, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de reconnaissance. Quand le recadrage est fait, ça fonctionne. Parfois pour le recadrage je peux utiliser une technique hypnotique pour amplifier la douleur pour que le patient soit dans la re-perception de la douleur.

 

        Anne Samson, AMDCF : Avez-vous des rémissions totale ?

Je ne dirai pas que j’ai des rémissions totales, et c’est dangereux de dire ça. L’important c’est ce que le patient veut. J’ai une patiente qui est au seuil de douleur 3 et qui se remet à travailler et pour qui, pour le moment, ça se passe très bien.

         On ne peut pas fondamentalement remettre en cause les systèmes de croyance. A partir de là, il y en a qui vont avoir besoin
         de garder un petit seuil douloureux, parce que ça reste leur justification, c’est leur truc. Il y en a chez qui ça disparaît complètement.

J’ai une patiente, et là je me suis autorisé parce que je la suivais depuis des années ; elle travaille avec un patron qui était un harceleur moral. Pendant vingt ans de travail, elle s’est complètement soumise, elle pouvait travailler dix heures quand elle n’en avait à faire que huit. Il avait un malin plaisir à lui donner les dossiers le vendredi soir, à la dernière minute, au moment où elle commençait à débaucher, et il disait: « il me les faut tout de suite pour que lundi ce soit sur la table ».

Que s’est-il passé ? Elle a commencé à déclencher une douleur à l’épaule, puis au coude, puis aux doigts, puis elle s’est généralisée. Elle s’est arrêtée en arrêt de travail. On voit bien que le rôle de la douleur dans ce contexte-là, c’était écologique, sauf que, elle, dans sa représentation « que va dire mon patron », elle était dans une relation d’emprise, « je ne peux pas accepter ça ». Je lui ai dit ce que je vous ai dit aujourd’hui ; elle est revenue à la séance suivante, un mois après, et elle m’a dit : « ce que vous m’avez dit ça m’a fait mal. »  Ses douleurs ont disparu. Attention, c’est une situation particulière que j’avais en thérapie depuis trois ans ; elle était dans une relation d’emprise depuis qu’elle était toute petite.

 

Dr Nizard : Comment les psychiatres peuvent être utiles au sein du réseau pour aider dans les jeux de pouvoir avec l’assurance maladie ?

S’il y a des représentants de l’assurance maladie, peut-être que c’est de leur faire un … C’est vrai qu’il y a des relations de conflit, il y a une position victimaire, il y a forcément une position : persécuté / persécuteur. Et quand il y a une attente de reconnaissance, il n’y a pas qu’une attente de reconnaissance du corps médical ; il  y a une attente de reconnaissance de la société aussi.

Qui fait le lien dans ce contexte là ? C’est effectivement les médecins-conseils. La question est de savoir si la détresse est prise en charge ou pas. Cette détresse plus on l’aggrave plus elle se chronicise.

Un patient qui était dans une relation d’emprise, il y en a beaucoup qui sont dans cette relation d’emprise, il présentait un syndrome douloureux chronique et il s’est battu. La caisse de sécurité sociale ne voulait pas entendre parler de ses arrêts de travail et de sa maladie. Là, j’ai fait une lettre, et le médecin-conseil que j’ai eu au téléphone m’a dit : « je le prenais pour un simulateur ». C’est pas rien que la fibromyalgie ait à voir avec les simulateurs. Les simulateurs, c’est aussi dans l’armée qu’on se pose la question. Nulle part ailleurs on est simulateur, les simulateurs ça n’existe pas. Il y en a très peu, c’est rarissime les simulateurs. Il faut avoir quelque chose à gagner. A partir du moment où il a été reconnu, le jour où le médecin-conseil lui a dit oui, il est resté un mois en arrêt de travail et il a repris un boulot. D’ailleurs je n’étais pas très content qu’il reprenne car il a pris un boulot aussi foireux et à mon avis…bon. N’empêche que le jour où il a été reconnu, les choses ont pu être traitées et ça l’a soulagé. Ce n’est pas toujours le cas, mais c’est une situation, c’est un exemple caricatural. C’est toute la difficulté ; les maladies ne sont pas des choses figées, surtout quand ça touche des choses de cet ordre. Les maladies, c’est aussi quelque chose de dynamique et d’interactionnel. Il faut qu’il y ait des réponses. D’ailleurs vous avez créé quelque chose sur la douleur, c’est un comité de lutte. C’est vrai qu’on est dans cette dynamique là.
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6.   Place de la kétamine et des  techniques algologiques :


Dr Michel MEIGNIER – Clinique Brétéché - Nantes

 

Pourquoi on s'est intéressé au kétalar ?

Le syndrome fibromyalgique est peu ou prou, même si l’étiologie n’est pas complètement connue, un désordre central accompagné d’une désinhibition et d’une sensibilisation de la mobilisation centrale du message douloureux.

La kétamine est un anesthésique utilisé pendant des années comme anesthésique de surface pour les brûlés, en cardio, parce qu’il permettait de maintenir une respiration spontanée. C’est un produit qu’on connaissait bien et qui est complètement tombé en désuétude parce qu’on avait, aux doses anesthésiques, des phénomènes dysphoriques extrêmement importants.

L’effet antalgique, dans certaines douleurs, a été rapporté dés 1995. Puis il y a eu trois papiers qui ont été faits dans les syndromes fibromyalgiques, en 95, 98 et 2000. Les doses étaient particulièrement faibles, de 0,20 mg/kg, mais ils notaient une bonne tolérance et ils insistaient sur le fait que les patients qui étaient les meilleurs répondeurs étaient les sujets qui avaient le plus haut niveau d’anxiété aux tests d’anxiété, en particulier au test d’Hamilton.

Depuis, il y a eu plusieurs essais. J’ai trouvé 49 articles, relativement récents, sur l’utilisation du kétalar dans le syndrome fibromyalgique. Cela veut dire que ce n’est pas quelque chose d’anecdotique, mais quelque chose qui commence à se développer. Les doses moyennes sont actuellement un peu plus élevées, des résultats qui sont favorables, finalement variables suivant les auteurs dans la mesure où c’est pas forcément facile à screaner comme résultat, mais on a toujours une amélioration chez plus de 60% des sujets.

La kétamine est aussi essayée en douleur expérimentale, en douleur post-opératoire elle revient à la mode, aussi dans les douleurs cancéreuses et en particulier dans un essai international en cancérologie pédiatrique, ou dans les douleurs mixtes et en particulier dans les douleurs à participation à la fois nociceptives et neuropathiques. Le kétalar a transformé la vie de certains patients, en particulier en neurocancérologie, dans toutes les tumeurs au niveau neuro qui représentent un cancer sur deux chez l’enfant.

On a commencé à utiliser le kétalar depuis 1998 dans l’unité et, en 2002, sur les syndromes fibromyalgiques. Entre le 1er Janvier et le 30 septembre 2002 on a fait 298 patients adultes, répartis à 90% de femmes et 10% d’hommes, et 32 enfants de 10 à 15 ans. Chez l’enfant, c’est comme dans les migraines, on a la même proportion de garçons et de filles. Ce n’est que chez les grands enfants qu’on va voir arriver la proportion de femmes.

Le protocole que nous avons fait pour un adulte « normal » : on fait 100mg le premier jour sur 24 H, c’est à dire 1,5 mg/kg en moyenne, on monte à 150 mg les deuxième et troisième jours si c’est bien toléré, puis on va diminuer sur douze heures et on va arrêter.

Le gros problème, sur lequel on a eu quelques ennuis, c’est qu’il faut avoir un abord veineux de qualité au niveau du bras, qui ne peut pas se plier, avec une veine qui ne serve qu’à ça. On veille de façon très soigneuse à ne pas avoir de rupture de charge.

Sur les 50 derniers malades, l’EVA de départ était à 7,22.

Résultats : diminution de l’EVA de 65 % au cours de l’hospitalisation sur 85 % des patients.

Actuellement on considère, avec le protocole qu’on a, qu’on améliore au moins transitoirement 85 % de nos patients.

On a pratiquement toujours des troubles du sommeil le premier jour, avec des patients qui ne dorment pas, qui ont souvent des céphalées. On a une amélioration qui arrive entre 24 et 36 heures, mais qui est perceptible au départ du troisième jour, c’est à dire entre 48 et 70 heures. Tous les patients qu’on reverra vont décrire une fatigue extrême pendant les dix premiers jours. C’est quelque chose sur lequel il faut insister : déjà qu’ils sont fatigués d’avance, ils vont être là « ratatinés » au moins pendant 7 à 10 jours.

 

On n’a aucun effet adverse, pas d’accident, pas d’ennui grave. Par contre on a le flash qui est extrêmement désagréable. C’est quoi ? C’est une perf qui est coudée, l’infirmière vient, fait un petit peu de « running » sur la tubulure et le patient prend un flash. C’est extrêmement désagréable. Maintenant on met des valves anti-retour, mais on a encore ça, et malheureusement, en particulier quand on a des gens un peu nouveaux dans le service. En règle générale, les patients tolèrent très très bien et nous n’avons un arrêt du traitement que chez 4% des patients qui ne supportent pas ou qui ne veulent pas continuer en tant que tel.

Sur les cinquante derniers patients traités, sur lesquels on a suffisamment de recul, on a un effet qui persiste à deux mois chez 75%, avec une EVA presque divisée de moitié de 7,2 à 3,9. A quatre mois, on a un effet favorable chez 62% des patients avec une EVA  à 4.

Dès que les patients disaient que ça refaisait mal, on refaisait une nouvelle cure. Des cures, en hôpital de jour, sur quatre heures. Ça  a été un échec total avec des patients qui étaient plus mal qu’avant. On a essayé de faire sur un temps plus court, sur un jour et demi mais c’est pas bon. Actuellement on est revenu à la même séquence de trois jours d’hospitalisation. On a un patient sur deux qui va doubler sa durer : s’il a été soulagé pendant trois mois, il sera soulagé pendant cinq à six mois. On a à peu près 50% des patients qui vont diminuer leur douleur.

 

On a une différence très importante entre les hommes et les femmes. Chez les femmes, manifestement, on est très bon, avec au moins 85% d’amélioration.  L’impression clinique c’est que plus on le fait tôt chez des gens qui n’ont pas épuisé toutes les ressources thérapeutiques et meilleur sera le résultat. En particulier chez des gens qui n’ont pas été poly-médicamentés. Par contre, chez les hommes, on n'est même pas à 50%  d’amélioration. Chez les enfants, on n'a pas un nombre suffisant pour le voir, mais on considère qu’avant douze ans on a les 2/3 qui vont être améliorés et, après 12 ans, on retrouve ce qu’on a chez l’adulte, avec la différence entre hommes et femmes.

 

On a regardé ce que ça donnait sur la consommation de médicaments. On a une diminution de moitié chez presque 50% des patients et chez 12% on a un arrêt de toutes thérapeutiques antalgiques. Un certain nombre de patients avaient des thérapeutiques de palier 2, voire de palier 3, et on a pu diminuer. Actuellement tous les patients qu’on a vus sous morphine ont pu diminuer de moitié, au moins, la consommation.

 

L’énorme intérêt est de permettre le ré-entraînement. Les gens vont être beaucoup moins douloureux, beaucoup moins tendus et ils vont pouvoir entrer, à ce moment là, beaucoup plus facilement dans un programme de ré-entraînement. Actuellement on essaie de faire une perfusion de kétalar et dire : « vous allez être mieux et vous allez pouvoir vous occuper de vous et repartir dans un programme de ré-entraînement ».

Le souci qu’on a eu c’est que certains malades vont tellement bien à la sortie qu’ils reprennent les activités comme avant, sans aucun ré-entraînement, et ils se « plantent » dans le mois et demi ou dans les deux mois.

C’est en particulier pour « les cadres dynamiques », qui repartaient comme en quatorze, qui n’arrêtaient pas de speeder et qu’on revoit après un mois à un mois et demi, en échec, alors qu’ils étaient bien pendant ce temps.

L’intérêt du kétalar, c’est de casser une crise douloureuse, subaiguë et chronique, et dire qu’il faut passer dans un programme de ré-entraînement, c’est comme ça qu’on vous améliorera le plus.

 

Une équipe de Marseille vient de publier une étude très intéressante, et en a parlé au congrès de San Diego, sur l’utilisation de la voie sous-cutanée avec des doses plus faibles que les nôtres puisqu’elles sont de 50 mg/jour. Par contre, l’inconvénient c’est que c’est dix jours d’hospitalisation. C’est relativement long mais les résultats sont meilleurs que les nôtres en terme d’efficacité. Est-ce que c’est parce que la résorption est plus souple ou est-ce que c’est parce qu'on les traite plus longtemps ? Je ne sais pas.

Ce n’est certainement pas « Le Traitement », mais c’est certainement une voie de recherche intéressante, comme aussi la xylocaïne. On est en train de démarrer un travail clinique sur l’utilisation des deux en même temps, kétalar et xylo, par voie intraveineuse. Les premiers résultats, sur seulement trente malades, montrent qu’on est encore meilleur et que par ce biais là on peut encore gagner. Il y a une utilité évidente qui apparaît assez logique sur ce qu’on connaît de cette maladie là. Mais, encore une fois, ce n’est qu’un petit versant, le gros intérêt du kétalar c’est de permettre, derrière, un programme de ré-entraînement.

 

Questions :

Dr Nizard : Il paraît légitime de proposer du kétalar au patient fibromyalgique et, à partir de là, il peut choisir s’il souhaite entrer dans un protocole comme celui-ci. Un reproche méthodologique qui est souvent fait à ces études, c’est qu’on ne peut pas attribuer l’efficacité au kétalar seul ; c’est l’efficacité d’une prise en charge pluridisciplinaire avec du kétalar.

 

Dr Meignier : Sur la perfusion par voie sous-cutanée durant dix jours, les patients étaient au repos et ce n’est qu’après qu’ils ont entamé un ré-entraînement à l’effort. Peut-être qu’avec des doses plus faibles on aura encore moins d’effets secondaires. Ce qu’il faut voir maintenant c’est si le temps est une variable importante ou pas. C’est vrai que passer trois jours en hospitalisation c’est acceptable, mais dix jours ça commence à être un peu long ; on ne fait pas grand chose et ça immobilise des lits.

 

         M. R. Godet, AMDCF : Quelles sont les contre indications formelles à l’emploi du kétalar ?

A ces doses nous ne sommes pas dans des doses anesthésiques. Nous utilisons des doses maximums de 1,5 mg/kg jour, alors que la dose anesthésique est, par voie intraveineuse, entre 2 et 3 mg/kg et en direct. Par voie sous cutanée ou intramusculaire, c’est 10 mg/kg. Tout le problème c’est que c’est un produit classé comme anesthésique, théoriquement c’est un produit utilisé par des anesthésistes. Maintenant, les gynécologues utilisent bien de l’Adalate par exemple. Le gros souci qu’on a, car on ne peut pas avoir d’inconvénient avec ce produit là sauf s'il n’y a pas d’erreur  de dose etc., c’est sur la gestion infirmière.

Il faut qu’on re-briefe  en permanence  les équipes soignantes, en particulier quand on a une petite nouvelle qui arrive, parce qu’elle fait comme elle fait d’habitude quand elle voit une perf un peu douteuse, elle pousse un peu dessus pour voir si ça gonfle, si ça fait mal… A ce moment là le malade fait un petit « voyage »… Ils n’aiment pas ça du tout. Ils ont une impression de partir, c’est une impression extrêmement désagréable.

 

         La salle : Avec la xylocaïne ?

On  fait 4 mg/kg sur 24 H.  non adrénalinée et pendant les trois jours.
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7.   Rôle du Médecin du Travail :


DrFrançoise CHATELIER, Consultation de Pathologie Professionnelle-C.H.U. de Nantes.

 

Je suis médecin dans le centre de rééducation fonctionnel de La Tourmaline à Nantes et médecin en pathologie professionnelle au CHU. Nous collaborons avec le centre anti-douleur puisque nous sommes amenés à donner des avis sur des malades pour leur avenir professionnel.

Les médecins du travail sont, eux aussi, confrontés à la fibromyalgie, et on retrouve souvent dans des dossiers de médecine du travail des douleurs comme ça, pendant plusieurs années, jusqu’à ce que, enfin, le diagnostic soit posé.

Il est bien évident, dans cette pathologie, que le devenir professionnel est menacé.

Je ne trouve rien dans les statistiques qui soit vraiment fiable. On dit que 2% de la population est touchée et une étude de Toulon, en 1998, dit que : 9 à 17 % des malades sont en arrêt de travail et 71% estiment ne pas être gênés dans l’exercice de leur profession.

Les patients que je vois au centre, c’est plutôt 90 à 100% en arrêt de travail, 80 à 90% qui disent être gênés dans leur travail. Il y a un biais de recrutement … on n'a pas les mêmes malades.

 

Qu’est-ce qui est gênant dans la fibromyalgie pour travailler ?

La réponse est simple : c’est « tout ». C’est-à-dire la douleur, la fatigue, la raideur matinale, les troubles du sommeil, les céphalées, le syndrome dépressif, les effets secondaires des traitements parfois.

Tout cela est très invalidant et aussi  pénalisant pour l’employeur qui a un employé sur lequel il ne peut pas toujours compter. Là un jour, et absent le lendemain.

Inversement, dans le travail, qu’est-ce qui peut participer au déclenchement et/ou à l’entretien d’une fibromyalgie ? Tout en sachant que les causes sont pluri-factorielles ...

Parmi les patients que je vois, j’ai regardé quel métier ils avaient. Il y a vraiment un peu de tout, mais j’ai quand même l’impression qu’il y a plus de secrétaires, d’infirmières, de gens qui sont dans la vente, dans l’enseignement et dans le social. Ce sont aussi des métiers féminins.

 

         Dr Nizard : Sont-ils différents des douleurs chroniques autres ?

Je ne peux pas le dire mais, c’est vrai que ça mériterait une étude.

 

On peut essayer d’identifier quelles sont les conditions de travail qui peuvent aggraver une fibromyalgie de façon à essayer de les limiter.

Il y a les contraintes physiques, travail physique important. Je pense à cette dame responsable d’un rayon poissonnerie dans une supérette ; elle portait des bacs de poissons, mais elle expliquait aussi qu’elle devait mettre des tonnes de glaces sur l’étal et qu’elle prenait ça à la pelle tous les jours.

La station debout prolongée, les postures fixes prolongées (même le travail devant écran), le froid est mal supporté, le bruit du fait des céphalées etc… Tous les facteurs organisationnels, le travail posté. Les hommes qui ont un travail posté auraient plus de fibromyalgie que les autres. Les conflits professionnels, le stress au travail, etc... sont générateurs de tensions, d’un mal-être au travail et de souffrances mentales.

La restauration fonctionnelle de ces patients, c’est très bien ; mais si on les replonge dans un milieu professionnel qui est néfaste, c’est un cercle vicieux.

Inversement, les gens qui ont un travail intéressant, gratifiant, ça peut aider à ce qu’ils prennent du recul par rapport à leurs douleurs et ça peut aider à s’abstraire un peu de leurs douleurs. Il y a des grandes entreprises dans lesquelles on fait de la gymnastique, de la musculation, de la sophrologie etc. Je pense que ça aide beaucoup, non seulement les employés, mais les cadres.

Quand le diagnostic est enfin posé, il n’est pas toujours approprié d’en informer sa hiérarchie, ses collègues. C’est quelquefois l’image de quelqu’un qui se plaint tout le temps, qui va être souvent arrêté et ça peut faire peur, tout comme font peur les lombalgiques. Rester discret et en dire le moins possible dans l’entreprise.

Il y a quelquefois une recherche de bénéfices secondaires : quelqu’un qui veut faire reconnaître ses tendinopathies des membres supérieurs en maladie professionnelle, qui veut jouer sur les deux tableaux, ou quelqu’un qui n’a pas de fibromyalgie et qui, subitement en une nuit, se découvre une fibromyalgie parce que ça pourrait être une solution pour avoir une invalidité, ça peut arriver.

 

Quelle stratégie adopter pour ces malades par rapport au travail ?

Le scénario idéal : c’est l’arrêt maladie, le temps de mettre en route des soins ; dès que cela va mieux, si on peut, c’est la reprise en mi-temps thérapeutique, puis la reprise à temps plein. Souvent, on est obligé de passer par une étape « intermédiaire » : temps partiel plus invalidité 1ère catégorie. En espérant toujours cette reprise à temps plein, avec, si possible, un aménagement de poste, une mutation. L’aménagement de poste peut vouloir dire : aménagement physique, un siège correct, des accoudoirs, un plan de travail un peu évidé et surtout, ne pas oublier les aménagements dans l’organisation du travail, donc la restriction de certaines tâches physiques, de certains déplacements, de faire varier les tâches, obtenir des horaires flexibles, un temps partiel et, c’est là qu’on aimerait développer le travail à domicile parce que les gens pourraient adapter leurs horaires, leurs jours de repos et pourraient moduler.

Le médecin du travail assurera un suivi ; vous savez qu’il a pour mission la protection de la santé des salariés et s’il y a plusieurs visites dans l’année, il n’y a pas de surcoût pour l’employeur. Il peut y avoir cinq visites de surveillance et une de reprise, c’est la même cotisation pour l’employeur.

Je voudrais insister sur la visite de pré-reprise qui peut être demandée par le biais de l’employeur, mais qui peut être demandée par le salarié, sans que l’employeur en ait connaissance. Cela va nous permettre d’anticiper le retour dans l’entreprise. Bien sûr, il faut que le médecin du travail soit informé par ses confrères, du diagnostic, de l’évolution, du traitement en cours et de la date possible de la reprise. Il faut vraiment qu’il y ait une concertation, y compris avec nos confrères médecins-conseils.

La visite de reprise donnera lieu à un certificat d’aptitude. Ce certificat ne peut être rédigé que par le médecin du travail qui, seul, connaît les données de l’entreprise. Les données techniques, économiques, relationnelles…, quelle est la personne qu’il va falloir convaincre, qu’est-ce que l’entreprise peut tolérer, je veux dire aussi les collègues.

Le médecin du travail va jouer un rôle de médiateur, de négociateur, mais ce n’est pas le décideur…J’ouvre une parenthèse pour dire que le rendement et la compétence n’ont pas à être pris en considération dans la décision d’aptitude médicale ; le médecin du travail n’est pas là pour débarrasser l’employeur des canards boiteux. Même avec un avis médical d’aptitude, l’employeur peut licencier s’il estime que la gêne est trop importante, que l’absentéisme est répété… il trouvera toujours une raison : un défaut de résultat, une incompétence, etc… L’entreprise n’aime pas les aléas.

Parfois il y a une inaptitude médicale ; on est dans une hypothèse beaucoup plus défavorable, c’est le licenciement. Inaptitude à tout poste antérieur, inaptitude à tout poste de l’entreprise, c’est le licenciement, mise en invalidité puis préretraite si on ne peut pas remettre les gens au travail dans une autre entreprise.

Parfois les gens vont faire un autre projet de vie, s’occuper des autres, de leurs petits enfants etc. et c’est pas toujours catastrophique.

 

Quelle est la position de la COTOREP ?

La reconnaissance travailleur handicapé ne pose plus vraiment de problème maintenant ; ça a été long à obtenir mais ça y est. Les gens sont reconnus en TH A, handicap léger et temporaire par rapport au métier antérieur, ou bien B, handicap plus important, modéré et durable. Parfois même, une rééducation professionnelle avec un stage de réorientation est octroyé par la COTOREP. Je pense que ces gens-là doivent faire leur rééducation professionnelle plutôt en centre de rééducation du circuit COTOREP, plutôt qu’à l’AFPA. Ce sont des gens très fatigables.

Au centre de la Tourmaline, j’ai entre trois cents à trois cent cinquante stagiaires par an, en pré-orientation, en remise à niveau ou en formation qualifiante. Actuellement j’ai quatre ou cinq fibromyalgiques par an, essentiellement des femmes qui souffrent, qui triment beaucoup, mais qui réussissent.

L’allocation adulte handicapé (AAH), elle est beaucoup plus rarement attribuée par la COTOREP dans les cas de fibromyalgie.

Etre reconnu par la COTOREP, c’est non seulement compter dans le quota des 6% de l’employeur, cela peut donner la prime à l’embauche etc., mais c’est pouvoir bénéficier de l’aide de l’AGEFIP pour le financement d’aménagement de poste et c’est aussi pouvoir bénéficier d’organismes d’insertion comme Cap emploi.

Si cette maladie oblige à des arrêts de maladie, il faut essayer qu’ils soient le moins longs possible et surtout, surtout, que la personne conserve son employeur et qu’elle reste en relation avec l’entreprise ; c’est la meilleure façon d’essayer de remettre les gens au travail, car s’ils ont perdu leur emploi, c’est vraiment beaucoup plus dur après.
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8.   Quel rôle pour le Médecin-Conseil dans la prise en charge :

Dr LEJEUNE - Médecin chef -  Service médical - C.P.A.M. de Nantes

A la caisse de Nantes je m’occupe de tout ce qui est prestation pour les assurés. A ce titre je vais vous parler de la fibromyalgie et Sécurité Sociale.

Il y a quelques années, la fibromyalgie on ne connaissait pas trop ; c’est vrai qu’on n’a pas appris ça dans nos études. Il a fallu un certain temps pour qu’on s’adapte et, actuellement, dans la salle, il y a cinq médecins-conseils de la Sécurité Sociale. C’est donc bien une pathologie qui est prise en compte par les praticiens de la Sécurité Sociale.

Par contre on peut faire des choses ; le praticien conseil a une certaine liberté dans ses décisions, mais il est tenu avant tout par un certain nombre de textes légaux. C’est de ça dont je veux vous parler. Ce sont des choses simples qu’il faut connaître.

Le fibromyalgique est, pour nous, un malade comme un autre.

 

- L’A.L.D. : c’est l’article L 324-1 du code de sécurité sociale.

C’est une nécessité quand des soins et/ou un arrêt de travail vont durer plus de six mois. Cette procédure est à l’initiative, en pratique, du médecin traitant quand les soins durent plus de six mois, à l’initiative du médecin-conseil quand l’arrêt est susceptible de durer plus de six mois. Il s’agit d’établir un protocole qui va définir : le diagnostic, toutes les mesures thérapeutiques, les signes cliniques. Ce protocole sera cosigné par le médecin traitant et le médecin-conseil.

Cette procédure est absolument obligatoire pour que des indemnités journalières soient payées  au-delà de  six mois.  Egalement  pour que les soins,   les prestations en  nature -PN- (frais de transport) soient payés au-delà de six mois. Ce qui veut dire que pour avoir droit à l’article L 324-1, il faut une affection bien déterminée, caractérisée. La fibromyalgie est une affection caractérisée. Un fibromyalgique peut relever de l’article L 324-1.

Les avantages sont les prestations en espèces -PE- qui sont payables au-delà de six mois. C’est également la suppression de carence de trois jours. Cela permet à la caisse de participer à la prise en charge des transports, pas à 100%, mais la caisse participe à la prise en charge.

 

- L’exonération du ticket modérateur :

Je sais qu’on a eu quelques problèmes, il fut un temps, avec des associations. Je pense qu’à Nantes c’est bien compris.

L’ALD 30 : ça veut dire soins de longue durée, c’est une liste de trente affections. La fibromyalgie n’est pas inscrite sur cette liste.   Même si nous voulons la prendre à 100% à ce titre, cela ne nous est pas possible. On a une certaine liberté mais on est limité par des textes.

L’ALD hors liste : c’est une possibilité de prendre en charge la fibromyalgie. Cela permet une prise en charge pour des maladies dont les soins vont durer plus de six mois, mais qui sont caractérisées, qui sont graves et invalidantes. On a caractérisé la fibromyalgie toute l’après midi. Invalidante, je pense qu’il y a un certain nombre de fibromyalgique qui sont tout à fait invalides. Cela ne veut pas dire qu’ils sont en fauteuil roulant mais qu’ils ont une certaine incapacité dans leurs déplacements.

 

-La gravité : cela recoupe, autrefois, la notion d’affection coûteuse. Il faut une certaine importance du traitement. On parle aussi de gravité de l’état mais, ce qui est mis dans la circulaire, c’est l’importance du traitement.

 

Les fibromyalgiques, à Nantes, sont parfaitement pris en charge dans le cadre de l’ALD hors liste.

 

- La poly-pathologie : c’est un ensemble de pathologies qui sont inscrites ou non sur la liste ALD 30. On y met tout ce qu’on veut. Il y a plusieurs pathologies qui sont, chacune, caractérisées, et c’est l’ensemble de cet état pathologique qui donne le caractère invalidant. On a parfois des fibromyalgiques qui rentrent dans ce cadre-là parce que la fibromyalgie est accompagnée d’autres pathologies.

 

- Les prestations en espèces : les indemnités journalières sont limitées à trois ans à partir du point de départ de la constatation de la pathologie, c’est ce qu’on appelle un P.A.T., Premier Arrêt de Travail. Ou alors cette période de trois ans voit des périodes d’arrêts de travail, de reprise… A ce moment-là on limite les indemnités journalières à 360  I.J. en trois ans.

Qu’est- ce qu’on fait après ce temps ?

Ou bien il y a reprise de travail ou il y a classement en invalidité. Le malade est classé en invalidité à l’initiative du médecin conseil ou à la demande du praticien.  

 

         Les catégories d’invalidité :

La première, ce sont des gens qui peuvent exercer un certain travail. Ce sont des gens qui ont dans un premier temps une période de mi-temps thérapeutique, ensuite ça permet de reprendre à temps partiel. La logique de la sécurité sociale est d’évoluer vers une reprise à temps plein mais, en cas d’échec, après un mi-temps thérapeutique on arrive à une première catégorie d’invalidité.

 

La deuxième catégorie d’invalidité : ce sont des gens qui sont totalement inaptes à une activité salariée à la date du classement en invalidité. Si l’état s’améliore, la personne peut reprendre son travail avec une révision à la baisse de sa catégorie.

 

Quelques chiffres :

Répartition des fibromyalgiques par type de prestations demandées :

On n'a pas beaucoup de fibromyalgiques qui se manifestent à la Sécurité Sociale de Nantes.

Là ce sont les chiffres qui correspondent au 1er. Juillet 2001 jusqu’au 30 juin 2002.

41 nouveaux assurés :

pour des demandes d’invalidités : 8 cas

pour des demandes d’ETM : 10 cas

pour un 324 1 : 11 cas

pour l’arrêt de travail :18 cas

 

On peut dire que tous les fibromyalgiques ne terminent pas en invalidité.

Ce sont des petits chiffres.

 

Répartition par sexe :

77% de femmes. On avait fait une étude il y a deux ans et on avait 11% d’hommes. Actuellement on à 23% d’hommes.

 

Répartition par classe d’age :

On a une majorité entre 40 et 59 ans. On n'a rien en dessous de 20 ans.

 

Questions :

 

M. R. Godet, AMDCF: Il  est normal qu’une association de malades vous parle et c’est une bonne chose. Ce que vous dites c’est qu’il n’y a pas de problème entre la sécurité sociale et les fibromyalgiques alors que nous sommes confrontés, au quotidien, à ce genre de problème. Beaucoup d’I.J. sont suspendues par le médecin conseil alors que les médecins, que ce soient le généraliste ou des spécialistes, continuent de prescrire des arrêts de travail. Le patient se trouve devant une difficulté totale, il ne perçoit plus d’indemnités journalières, il ne peut pas non plus reprendre son travail, d’ailleurs il ne le souhaite pas, comme ses médecins. Que peut-il faire à ce moment là ?

 

Dr Lejeune : Comme je vous ai dit tout à l’heure, le fibromyalgique est un malade comme un autre. Il n’y a pas de « racisme » à l’égard des fibromyalgiques. Pas de mesure particulière, pas de consigne particulière. Il est demandé, en cas de notification d’aptitude, au praticien conseil, de prendre contact avec le praticien traitant. C’est la première chose et c’est nouveau. C’est depuis la dernière circulaire sur le droit des assurés. L’autre solution c’est de contester, c’est l’expertise. La décision d’aptitude à une activité, qui n’est pas à un poste de travail mais à une activité quelconque, cela s’apprécie…c’est subjectif. Quand il y a un litige entre deux praticiens il faut un troisième pour trancher, c’est là où est justifiée l’expertise.

Il peut y avoir un rapprochement du médecin auprès du médecin-conseil ; les médecins-conseils ne sont pas tous des murs, il ne faut pas croire ça.

 

M. R. Godet, AMDCF : Le seul problème de l’expertise, c’est que l’expert est nommé par l’intermédiaire de la caisse primaire et, fort peu souvent, on a affaire à des spécialistes compétents, je dirais au moins « sachants », en la matière qu’est la fibromyalgie. On a affaire à des neurologues, des rhumatologues ou éventuellement des psychiatres. La grande difficulté pour ces gens-là, qui n’ont pas d’expérience clinique, est de donner une valeur au handicap présenté par le fibromyalgique.

 

Dr Lejeune : Oui, il y a plusieurs problèmes. D’abord il faut trouver des experts. Il y a beaucoup de médecins qui ne veulent pas faire d’expertise. Deuxièmement il faut travailler dans la qualité de service à l’assuré, la qualité du service rendu, c’est de répondre rapidement et donc, on surveille les délais d’expertise et on est obligé de choisir des experts qui nous répondent rapidement et pas des experts qui laissent traîner le dossier dans un tiroir six semaines ou plus. Pendant ce temps là l’assuré n’est pas payé. C’est vrai qu’on peut choisir d’autres experts ; on peut en chercher s’il y en a dans la salle.

 

Dr Nizard : Il y a un début de réponse qui vient du collège des médecins de la douleur. Le fait qu’on ait mis des sapiteurs médecins de la douleur pour des expertises de fibromyalgiques et d’autres malades douloureux. La liste de ces médecins est disponible au collège.

 

R. Godet : oui, mais le sapiteur n’intervient qu’en expertise juridique.

 

Dr Nizard : Par rapport à votre intervention en complément de ce qu’a dit Françoise Chatelier, pour éviter aux patients de mettre de l’huile sur le feu, de demander des avantages dont on sait à l’avance qu’ils vont être refusés. On voit des gens qui demande d’emblée  l’AAH, la carte de station debout pénible, la carte de parking. On sait qu’ils n’auront pas satisfaction, ils n’ont pas un taux d’incapacité supérieur à 50% et encore moins à 80%. Les gens qui font des dossiers qui sont d’avance condamnés, c’est du temps perdu pour tout le monde, ça embolise en plus les gens qui sont obligés de se prononcer là-dessus. Je pense que c’est effectivement du rôle des associations que d’éclairer et dire à partir de quel moment on peut demander telle ou telle prestation.

 

Dr Lejeune : A propos des experts pour la sécurité sociale, il ne faut pas être inscrit sur une liste, il suffit d’une liste qui soit tenue au service médical tout simplement. Tout praticien peut être expert pour la sécurité sociale il suffit de se manifester auprès du service médical.

Il y a aussi une procédure dont Madame Chatelier n’a pas parlé, je crois, c’est le maintien dans l’emploi. Quand un assuré est en arrêt de travail et n’est pas licencié, on essaie de trouver, avec le médecin-conseil, une possibilité de réintégration dans l’entreprise pour éviter le licenciement. Ça n’existe que dans le département de Loire Atlantique.

 

Un médecin-conseil de la salle : Juste une petite précision, le problème du médecin-conseil est le même que vous avez. On a souvent des problèmes de dialogue, le REDO est une réponse. C’est à dire, ce qu’a bien expliqué le Dr Lejeune, dès qu’on pressent qu’un patient va avoir des soins qui vont être longs, qui vont nécessiter plus de six mois de prise en charge, c’est important de nous le signaler.

Pour le signaler il faut déclencher le protocole, le fameux article 324-1. C’est un premier contact. On a dans ce protocole le traitement qui est décrit, on a déjà une idée de l’importance de la gravité de la fibromyalgie. Effectivement, il y a des fibromyalgiques qui ont le ticket modérateur et d’autres qui ne l’ont pas. Il y a un autre problème quand vous annoncez à un patient que vous allez le mettre en invalidité. Pour lui, c’est un couperet qui tombe ; il dit « ça y est, je suis foutu ». Comme l’a dit notre collègue psychiatre, on est dans un problème de relation de puissance et on lui dit, d’un seul coup,  vous n’êtes plus bon à rien, ce n’est pas un service qu’on lui rend. Au début on a parlé de la durée d’arrêt de travail qui conditionne beaucoup la réinsertion, donc plus on peut agir précocement et mieux la réinsertion pourra se faire.
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9.   Prise en charge médicale – Place des antalgiques et des co-analgésiques :


         Dr Maurice BENSIGNOR – Clinique Viaud - Nantes

   

Je n’ai pas beaucoup de données, il y en a peu dans la littérature ; ce que je dis là n’a pas une valeur scientifique, c’est simplement le résultat de pas mal d’années d’expérience et de patients  vus.

 

Niveau 1 :

 

L’aspirine : le rapport efficacité sur effets secondaires n’est pas favorable.  

 

Les AINS ne présentent pas plus d’intérêt. On parle de prescriptions, sur des patients chroniques, qui risquent de s’étaler sur des années.

 

Le paracétamol : rarement efficace dans le contexte de fibromyalgie. Quand c’est efficace, c’est à forte dose de l’ordre de 4 g. par jour.  On sait qu’au-dessus de 2 g par jour il y a un risque d’hépatite médicamenteuse non négligeable. J’en ai vu un certain nombre. C’est un médicament en période de crise aiguë, c’est un médicament d’appoint.

 

Niveau 2 :

 

Paracétamol associé au Dextropropoxyphène : rarement efficace. Quand ça marche, c’est à forte dose.

Les patients qui prennent, durant plusieurs années, jusqu’à six diantalvic par jour, ne remettent pas en cause son efficacité. Si on leur demande de cesser pendant 24 heures, il s’avère que ce n’est pas plus mal ni mieux qu’avant.

Tout médicament qui n’est pas sûrement utile est sûrement nuisible. Ils doivent tous être réévalués périodiquement. Donc diantalvic c’est « bof ». Ce n’est pas non comme les précédents.

 

La codéine et les associations paracétamol codéine : c’est pareil. Aux doses où c’est éventuellement efficace, il y a des effets secondaires : constipation…

Le Tramadol : quand il est bien supporté, on peut avoir un rapport efficacité sur effets secondaires favorable. Très souvent les personnes atteintes d’un syndrome fibromyalgique ont une espèce d’hyper sensibilité aux effets secondaires des médicaments. Elles font plus facilement des nausées etc. Le tramadol à libération immédiate à 50 mg par prise, les patients vous disent : « Moi je ne supporte pas ces médicaments ça me donne des vertiges, des nausées, etc. ». En libération prolongée ça marche mieux mais 100 mg c’est déjà une grosse dose. 50 mg de tramadol c’est l’équivalent de 10 mg de morphine. Les spécialités qui sont sur le marché sont souvent des surdoses. J’ai tendance à proposer aux gens le Zamudol, c’est le seul qui existe en 50 LP, il faut marquer non substituable. Il y a un certain nombre de patients à qui ça rend service et, sur le long terme, le rapport efficacité sur effets indésirables leur est favorable. Un inconvénient quand même, par rapport aux autres opioïdes faibles, le tramadol entraîne une dépendance vraiment importante. Beaucoup de patients disent avoir beaucoup de difficultés à se sevrer ou à baisser significativement les doses. Il y a des vrais syndromes de sevrage morphinique, cela peut prendre trois à quatre mois pour se sevrer du tramadol, même quand il est inefficace. Ça rend plus « accro » que la codéine par exemple.

 

La dihydrocodéine : a l’avantage d’exister sans paracétamol. La codéine n’est pas hépato toxique et peut avoir un certain avantage, mais j’ai rarement vu des patients prendre ce médicament à très long cours et qui pouvaient dire que c’est  réellement efficace sans effet secondaire appréciable.

 

Niveau 3 :

 

Actuellement le collège des médecins de la douleur s’est donné pour tâche de publier des recommandations concernant l’utilisation des opioïdes dans le traitement des douleurs chroniques non cancéreuses. Il y a un numéro spécial de la revue « douleur » qui va paraître en décembre et il m’a été demandé de revoir toutes les recommandations existantes. Il y en a plein, au moins une douzaine, qui émanent d’organismes divers : l’OMS, la Société Américaine de la Douleur, la Société Canadienne, les Néo-zélandais, les Scandinaves…J’ai essayé de relever les points communs et les points de divergences et de faire une synthèse.

    En France, le  seul « truc » qui existe, c’est une espèce de conférence qui avait été organisé par un rhumatologue de Limoges. Ils ont appelé ça : « les recommandations de Limoges ». Dans ces recommandations c’est : pas de morphine dans les fibromyalgies. Ils ont posé cet oukase sans aucune explication dans leurs recommandations. Dans toutes celles que j’ai lues, il n’y a pas cet oukase-là. Je pense qu’il faudrait qu’on arrive à trouver une position consensuelle. Mon expérience personnelle montre qu’un petit nombre de patientes fibromyalgiques, de l’ordre de 10%, et avec de petites doses de morphine, ont un bénéfice franc sur le long terme. Le bénéfice n’est pas mesuré par rapport à l’intensité de la douleur, je pense que ça n’a aucune signification clinique. Ce qui a une signification c’est ce qu’elles font et ce qu’elles ne font pas. En fondant l’évaluation sur des objectifs fonctionnels, j’ai un certain nombre de patients qui « fonctionnent » avec des petites doses de morphine sur trois ans, cinq ans, avec des doses de 30 mg deux fois, en commençant par moins et qui ont repris une activité professionnelle. Toutes les tentatives de diminuer la dose de morphine se sont soldées par une recrudescence de la douleur sans véritablement de syndrome de sevrage. Il semble qu’il y ait moins de dépendance qu’avec le tramadol. Il n’y a pas de toxicité tissulaire connue sur le long terme avec des reculs de plus de vingt ans. Je ne vois pas pourquoi on interdirait à ceux qui ont une amélioration de bénéficier de ce traitement-là.

 

Le Fentanyl : Dans les associations il y a des gens qui réclament le « badge » (patch). Il y a un problème d’AMM. Le « badge » a l’AMM pour les douleurs cancéreuses.

Il y a deux problèmes majeurs avec le « badge ». Premièrement on ne peut moduler les doses que par paliers de 100%, passer de 25 à 50 mg c’est parfois beaucoup. Souvent, pour arriver à la dose minimale efficace c’est assez fin et, d’un patient à l’autre, ça peut varier. Parfois 30 mg c’est pas assez, 60 mg c’est bien trop.

Deuxièmement il y a des données pharmacologiques incontournables qui montrent que la tolérance est d’autant plus précoce et d’autant plus importante que le produit est plus puissant et qu’il est éliminé plus rapidement. Hors, le Fentanyl est un produit extrêmement puissant, 1500 fois plus puissant que la morphine et il est éliminé très rapidement. La demi-vie est de l’ordre de 40 minutes. Ce n’est pas parce qu’on le met en administration continue que ça fait augmenter la demi-vie. On a pu montrer avec des dérivés du Fentanyl à demi-vie encore plus courte, de l’ordre de 10 minutes que quand on administre en per opératoire (ça ne peut s’utiliser qu’en anesthésie car il y a une dépression respiratoire aussitôt), c’est éliminé tellement vite qu’on ne peut le mettre qu’au pousse seringue électrique. Chez les patients qui ont eu ce produit, ils développent éventuellement une hyperalgésie et une résistance à la morphine. On sait pourquoi ; l’analgésie n’est pas le fait de l’opioïde, c’est le couple morphine-récepteur. Ce couple peut avoir différente configuration spatiale et selon cette configuration, le couple peut avoir un effet inhibiteur c’est à dire antalgique mais aussi des effets excitateurs c’est à dire hyperalgésiants. Selon le produit qu’on utilise, la proportion de couples morphine-récepteur, qui sont en configuration inhibition ou excitation, est variable. Après une imprégnation importante avec un produit puissant et d’élimination rapide, ça favorise la configuration des récepteurs en position excitatrice. A ce moment-là on est devant un phénomène de tolérance aigu et, éventuellement, d’hyperalgésie. Ces données pharmacocinétiques croisent, à mon avis, les données de la clinique. Personnellement quand j’ai vu utiliser du Fentanyl percutané pour des douleurs non cancéreuses, et même cancéreuses d’ailleurs, on voit très très souvent apparaître des tolérances considérables. On voit des patients qui ont deux ou trois patchs à 100 g/heure et encore ils ne sont pas bien soulagés. En plus, ça coûte très cher. On pourrait même se faire condamner par l’assurance maladie, après une prescription hors AMM, à rembourser le trop perçu.

 

Les antiépileptiques :

 

         Le Rivotril : aucune indication.

La Gabapentine c’est l’analgésique à la mode. C’est incroyable, il a fallu douze ans, en faisant des FMC trois fois par semaine, pour convaincre les généralistes de prescrire des antiépileptiques et des antidépresseurs dans les douleurs neuropathiques et, une fois qu’on y est arrivé, le laboratoire sort la Gabapentine dans l’épilepsie. Il pense ramasser une petite part de marché dans l’épilepsie avec un médicament qui est quand même cher. Alors, on ne sait pas pourquoi, il y a eu un phénomène d’emballement et maintenant je n’arrête pas d’arrêter des prescriptions de Neurontin. On ne voit plus un douloureux qui n’a pas de Neurontin. Ils disent que ça ne marche pas, des études contrôlées ont montré que dans les douleurs neuropathiques le rapport bénéfices sur effets indésirables est à peu près le même que celui du Laroxyl, c’est à dire pas terrible. Donc pas intéressant dans la fibromyalgie.

 

Les imipraminiques :

 

Dans mon expérience il n'y a pas beaucoup de fibromyalgiques qui continuent à prendre des imipraminiques. Les petites doses de Laroxyl, si ça favorise le sommeil, c’est peut être pas mauvais, mais je ne suis pas sûr que dans ce cadre là il y ait un effet antalgique terrible. Si avec quinze gouttes de Laroxyl le rythme du sommeil est meilleur, qu’elles sont un peu mieux dans la journée et qu’elles n’ont pas la  «gueule de bois » le matin, pourquoi pas.

 

Les IRS :

 

Par contre les Inhibiteurs du Recaptage de la Sérotonine, les IRS, lorsqu’ils ont une efficacité antalgique, il y a, le plus souvent, un échappement entre trois à six mois. Ça marche pendant les deux premiers mois, si on arrête le traitement ils ne sont pas plus mal et si on augmente la dose, c’est pas mieux. Les IRS ont des effets indésirables que n’ont pas les imipraminiques à petites doses. Il y a beaucoup de cas où ça rend insomniaque, ça majore les troubles du sommeil et ça oblige de prescrire des hypnotiques en complément ce qui n’est pas souhaitable dans ce contexte là. Deuxièmement, il y a un effet secondaire très fréquent dont les patients ne nous parlent pas beaucoup, sauf quand on les interroge là-dessus : c’est les troubles de la libido.

Vous rigolez mais j’en ai qui m’ont dit qu’elles avaient véritablement des problèmes de couple autour de ça et simplement, en arrêtant le Deroxat c’est mieux.

Le Rivotril est une benzo et comme les autres benzos elles sont contre indiquées dans la fibromyalgie. Il y a des études qui ont montré qu’il y avait une corrélation entre l’intensité de la douleur et les troubles du sommeil. Les fibromyalgiques ont généralement un sommeil perturbé ;  il peut y avoir un sommeil normal en quantité mais pas en qualité. En général il y a un défaut de sommeil lent profond et les benzos aggravent ça, c’est à dire que c’est inducteur du sommeil, mais c’est un sommeil non réparateur. Toutes les fibromyalgiques vous diront que, quand par hasard elles passent une nuit avec un bon sommeil réparateur, elles souffrent moins le lendemain. On n’a pas ce problème avec le Laroxyl. Je pense qu’en déstructurant le sommeil avec une benzo, que ce soit avec le Rivotril ou avec le Myolastan, on ne gagne pas grand chose sur le plan de la douleur, mais on perd quelque chose sur le plan de la qualité du sommeil, donc de la fatigue. La fatigue fait aussi parti du symptôme, la fatigue c’est aussi gênant que la douleur pour ces gens-là.

 

Les Myorelaxants :

 

En dehors des benzo il reste le Baclofène. Dans mon expérience, quand la douleur est associée à une hypertonie musculaire, il y a presque des myoclonies quelquefois, il peut arriver de prescrire du Baclofène pour une période courte, jamais plus d’un mois et avec un objectif fonctionnel précis. C’est-à-dire en concertation avec le kiné ou avec le rééducateur, dans une optique d’un petit stage de réadaptation fonctionnelle à l’effort, ça peut aider un peu. Traitement d’appoint court.

 

Les divers :

 

Le Salbutamol : largement utilisé par les cyclistes, c’est un produit qui est puissamment vasodilatateur, qui est aussi un stimulant du muscle et qui diminue la fatigabilité musculaire à l’effort. Il retarde l’apparition des crampes et des douleurs musculaires à l’effort. Une étude ouverte faisait état de résultats intéressants. A la suite de ça j’en ai prescrit un petit peu et j’ai un petit nombre de patients qui sont restés assez durablement sous Salbutamol. Le problème, c’est qu’aux doses efficaces il y a des effets secondaires. Elles ont des palpitations elles sont à cent à l’heure, elles sont un peu speed. Les petites doses, sur du court terme, ça peut rendre un petit service.

 

La Mélatonine :

 

Il y a un gros dossier dans une revue parue en 98, avec cinq ou six études contrôlées double aveugle contre placebo, sur la douleur et sur la fatigue. Les résultats montrent qu’il y a, à l’évidence, un bénéfice plus sur la sensation de fatigue que sur la douleur mais avec une action sur la douleur quand même.

La Mélatonine est un acide aminé fabriqué par l’épiphyse qui joue un rôle dans la régulation des horloges biologiques. C’est très efficace pour des choses comme le « jet light », troubles liés au décalage horaire. Juste au moment où on va s’endormir notre épiphyse va sécréter de la Mélatonine, c’est pas la Mélatonine elle-même qui est hypnotique, mais c’est   l’augmentation de concentration de Mélatonine qui va initier les processus d’induction du sommeil. Si on prend de la Mélatonine avant de se coucher quand on a un gros décalage horaire, on dort beaucoup mieux et on se réveille frais et dispo le matin. Aux Etats Unis ça ne coûte pas cher et on trouve ça au rayon des vitamines dans les drugstores. C’est en vente libre. C’est un produit qui n'a pas ou peu d’effets secondaires ; cela fait vingt ans que c’est en vente libre aux Etats Unis et la FDA (Food and Drug Administration) est quand même assez vigilante. Le fait qu’il n’y ait pas d’AMM en France est probablement lié au fait que c’est un médicament très bon marché et qui est dans le domaine public. Celui qui va investir pour faire un dossier de demande d’AMM  va peut être avoir l’AMM, mais le jour même il y aura des génériques et il ne pourra jamais amortir son dossier d’AMM. C’est la raison pour laquelle la Mélatonine n’est pas commercialisée en France. C’est le même problème en Europe et on n'en trouve pas. C’est très facile dans acheter sur INTERNET. Les problèmes sont, comme ce n’est pas un médicament, qu’il est classé dans les compléments alimentaires, qu’il n’est pas soumis au contrôle de l’industrie pharmaceutique, on ne sait pas très bien ce qu’on achète.

 

Les inhibiteursdes récepteurs NMDA, les ANTI NMDA :

 

Il y a quelques études contrôlées. Il y a un consensus international sur l’utilité  de la kétamine mais pas sur les « recettes ». C’est environ 1 mg/kg ; sur le rythme d’administration il y a des variantes. C’est une drogue qui est hyper sûre, il n’y a pas de complication, ils hallucinent éventuellement un peu, mais les effets secondaires ne sont pas fonction des doses mais surtout en fonction de la rapidité d’administration. Quand on met des doses de 1 à 1,5 mg/kg sur six à huit heures il n’y a aucun problème. Ils sont souvent améliorés, pas tout de suite mais trois à quatre jours après, pour des durées et pour la première administration, qui vont  de deux à quatre semaines. Il y a probablement des phénomènes de désensibilisation du système nerveux central. Ça marche dans un grand pourcentage : environ 70 % d’améliorations nettes et durables.

 

Question :

        
         Anne Samson AMDCF : L’administration à long terme ?

Dr Bensignor :

Il n’y a pas eu d’administration à long terme mais ça doit être sûr. L’expérience qu’on a, c’est avec les brûlés. La kétamine est un analgésiant très puissant et ça ne déprimait pas les réflexes, on pouvait l’utiliser quand on devait les faire tremper dans une baignoire. Il y a des brûlés qui ont eu des quantités faramineuses de kétamine pendant trois mois, six mois, huit mois et il n’a jamais été montré d’effets indésirables. Sur le très long terme on ne sait pas, mais la drogue ayant été très utilisée en anesthésie et en l’utilisant en perfusion à 1,5 mg/kg et à trois semaines d’intervalles, il y a vraiment pas de raison qu’il y ait des effets secondaires.

 

Ceux qui sont nettement améliorés sont améliorés de façon durable et pour une durée variable d’un patient à l’autre. J’en ai qui restent améliorés avec un recul de deux ans. J’en ai qui viennent en redemander avec des intervalles qui vont de trois à six mois. J’ai des patients qui ont besoin d’une petite injection de rappel tous les trois à six mois.

 

La Méthadone :

 

C’est un morphinique qui, en dehors des effets morphiniques, a des effets anti NMDA. La Méthadone n’a l’AMM en France que pour le sevrage des toxicomanes et pas pour le traitement de la douleur ; il y a une demande en cours par l’assistance publique de Paris (vient d’être accordée). La Méthadone : c’est la même problématique que pour la Mélatonine. S’il n’y a pas d’AMM c’est qu’il n’y a aucun labo qui a fait la demande parce que c’est un produit bon marché et, économiquement, ça ne vaut pas le coup.

Je ne connais pas le potentiel toxicomanogène de la Méthadone, mais quitte à prescrire un opioïde, autant les mettre à la Méthadone qu’à la morphine, si on en a.

 

Le Dextrométorphane :

 

Il n’y a pas beaucoup de données. C’est utilisé dans les pastilles Vix. C’est utilisé comme antitussif, on peut utiliser du sirop Vix.

Dans les douleurs neuropathiques, les études montrent un rapport bénéfices sur effets indésirables pas excellent. L’effet antalgique est faible.

 

L’Amantadine :

 

Commercialisé comme un antiparkinsonien. Il n’y a pas non plus d’AMM pour la douleur. Il y a quelques données dans la littérature sur l’utilisation de l’Amantadine dans les douleurs neuropathiques mais pas sur les fibromyalgies. Le rapport bénéfices sur effets secondaires serait meilleur, notamment dans les douleurs neurogènes avec  hyperalgésie, hyperpathie, alodinie.

Il y a gros à parier que dans les années qui viennent, on aura des inhibiteurs NMDA, autres. Actuellement il y a des travaux sur la kétamine pour essayer de substituer la molécule en essayant de garder les effets antalgiques et éliminer les effets psychogènes.

 

 

La salle : la rotation des opioïdes est-elle indiquée dans la fibromyalgie du fait qu’il y a diminution des récepteurs opioïdes et que tu parlais du couple opioïde-récepteur ?

 

Je pense qu’à partir du moment où on n’arrive plus à obtenir un bon rapport efficacité sur effets secondaires et qu’on voit avec une dose constante les effets secondaires qui augmentent et les effets antalgiques qui baissent, pourquoi ne pas changer d’opioïde ?  Mais on va vite tomber sur des problèmes d’AMM, surtout au niveau trois. Les deux seuls opioïdes qui ont un intérêt aujourd’hui, c’est le tramadol et la morphine. Les fibromyalgiques sont des gens qui vont consommer des antalgiques sur du très long terme, plusieurs années, et il y a quand même un problème pour faire des prescriptions hors AMM avec des produits coûteux.

                                                                                                                                                                                Sommaire

 



10.  
Conclusion : Comment gérer la pluridisciplinarité ?


Dr Julien Nizard - Centre d’Evaluation et de traitement de la Douleur - C.H.U. de Nantes :

 

Les trois points qui me paraissent essentiels dans cette journée, c’est qu’il a été question d’objectifs, d’objectifs personnalisés évidemment. Deuxièmement, il a été assez peu question, mais je crois que c’est assez intéressant quand même, d’évaluation.

 

On a parlé d’évaluation de l’efficacité des stratégies. C’est évident que l’on peut évaluer un patient fibromyalgique comme un patient douloureux chronique tout en ne restant pas focalisé sur la douleur. Il y a la fonction bien sûr, il y a les échelles de qualité de vie adaptées aux fibromyalgiques, il y a les troubles du sommeil, il y a la fatigue. On peut évaluer la fatigue, les troubles du sommeil, la sociabilité avec des échelles visuelles analogiques. Evidemment c’est pas le « Pérou » mais là, encore une fois, on peut faire assez mieux en allant assez vite. Ce sont des échelles d’auto évaluation et je me rappelle une communication d’un spécialiste mondial du sommeil qui disait : « j’ai évalué d’une façon comparative une échelle de 36 items sur le sommeil et l’EVA sommeil. Pour évaluer les progrès du patient au cours du traitement, je trouve que l’EVA sommeil est aussi bien. »

 

On se rend bien compte, après les interventions des médecins-conseils, des médecins du travail et des gens des associations, qu’on peut éviter une perte de temps considérable au patient et au soignant par la prise en charge pluridisciplinaire. Surtout en évitant les écueils qu’on connaît tous : attendre des prestations qu’on n'aura pas, ou perdre une énergie considérable en demandant des choses pour lesquelles on sait d’avance que la cause est perdue.

 

Utiliser, canaliser son énergie et les ressources propres pour essayer de se refabriquer un projet de vie. On a tous vu des gens qui refabriquaient une vie, même parfois meilleure qu’avant, parce qu’ils avaient mis de côté la lutte et qu’ils se sont fabriquer quelque chose parfois meilleur.

 

Puisqu’on a des associations de fibromyalgiques, j’espère vraiment, c’est un rêve actuellement, mais j’espère qu’on aura un jour avec vous, un comité, une association complémentaire d’anciens fibromyalgiques. A titre personnel, j’y crois tout à fait et je vois des gens qui, une fois passé la phase du diagnostic, prennent du champ par rapport à ça et vivent comme un migraineux, un douloureux chronique ou un lombalgique, en ayant des poussées bien sûr, mais en faisant des choses très bien par ailleurs. 

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